Les troubles de la parentalité

Si les éléments de la qualité parentale varient d’une culture à l’autre, ceux relatifs à la détermination des attributions de chacun des parents sont plus divers encore. De nos jours, le devoir d’éduquer son enfant es exigé des parents, alors qu’autrefois, cette exigence cédait le pas à celle de l’exemplarité. Le parent était moins incité qu’aujourd’hui à assurer ou à surveiller l’éducation de son rejeton, mais avait l’obligation d’être un exemple pour lui, d’où l’importance, dans certaines dispositions du Code civil, le l’antique notion du « bon père de famille » et, dans le texte de 1889 relatif à la déchéance paternelle, des motifs « d’exemples pernicieux d’ivrognerie habituelle, d’inconduite notoire ou de délinquance ». Actuellement, ‘irréprochabilité et l’exemplarité du comportement moral ou social ne sont plus des éléments d’authentification du parent, alors même que le défaut d’éducation peut entraîner la saisie du juge des enfants et la mise sous tutelle de l’autorité parentale.
L’exercice de la parentalité est fonction des sociétés et des époques. Il dépend d’un système de prescriptions explicites et d’un autre constitué de prescriptions plus diffuses et implicites.

Cependant, la précocité de l’épisode de séparation n’est pas la seule circonstance susceptible de commuer une séparation en traumatisme. Ultérieurement, si la séparation de l’enfant et de son parent se double de l’effacement du parent, l’expérience cristallise dans l’inconscient une zone traumatique. En effet, le mot permet de perpétuer la présence de celui qui s’éloigne. Si l’enfant ne peut plus évoquer le parent qui s’est éloigné, si personne ne lui en parle, voire si les mots pour dire l’absence sont des mots tabous, alors la séparation risque d’entraîner un traumatisme, parce qu’elle délimite une aire irreprésentable. L’enfant qui ne peut, dans l’échange, et dons par le symbole ( qui équivaut à une unité d’échange) conserver son parent, tend à le faire de façon imaginaire. La permanence imaginaire se substitue à la permanence symbolique, dans l’hypothèse d’une séparation doublée d’un effacement. Quand le parent est conservé dans la sphère imaginaire de l’appareil psychique, il est démesurément grandi. Qu’il soit déifié ou diabolisé, l’enfant n’est jamais débarrassé d’un parent imaginaire. «  Plus tu t’éloignes, plus ton ombre s’agrandit » (Desnos, 1930). Le parent imaginaire est déterminant puisqu’il fascine. C’est pourquoi l’enfant, quand il s’en est construit un, n’y est pas lié mais plutôt enchaîné. 

 Les processus inhérents à la dimension psychologique du concept [de parentalité] ont révélé que l’expérience de la parentalité pouvait être considérée comme une étape maturative de la personnalité.

L’exercice de la parentalité constitue une dimension idéologique et symbolique. Les croyances, les représentations et les règles explicitent, délimitent, dans la société ou la communauté, les principes d’authentification de la parentalité et ses attributions. Cet ensemble conceptuel identification permet à tout individu de se représenter et d’évaluer ses conduites et ses attitudes parentales. Ces dernières constituent les pratiques de la parentalité.
Les pratiques de la parentalité sont composées de l’ensemble des comportements communs au plus grand nombre de parents dans une société et à une époque déterminées. Elles représentent une série d’exigences normatives qui varient considérablement d’une société à l’autre et d’une époque à l’autre. Aujourd’hui, une pression importante s’exerce sur les parents pour qu’ils acquièrent un savoir-faire psycho-éducatif.

L’expression « exercice de la parentalité » désigne les procédures qui, dans une société et à une époque déterminées, permettent d’identifier le parent et les attributions relatives à son statut. Il ne suffit pas d’être géniteur pour exercer l’autorité parentale. L’ethnologie nous a habitués aux cultures dans lesquelles l’autorité sur l’enfant n’est pas assumée par les géniteurs. 

L’instauration du libre choix amoureux comme élément fondateur de l’alliance conjugale a eu pour effet de mettre au premier plan de la vie familiale la notion d’attachement et non plus les questions de transmission et de protection, comme cela avait pu être le cas précédemment. Du point de vue explicite, les fondements de l’attachement affectif sont aujourd’hui les déterminants des liens familiaux. Certes, cela ne signifie pas que l’attachement réciproque n’existait pas dans les familles autocratiques et rurales des siècles précédents, mais il était implicite et aurait cédé le pas aux nécessités fonctionnelles. : la protection du groupe, la conservation ou l’extension du patrimoine commun. De nos jours, la vie familiale est étroitement dépendante de la dimension effective. A bien des égards, on peut même considérer qu’elle s’y réduit. Cette réduction a parfois des effets pervers, parce qu’elle légitime et pose en principe la conduite du comportement par le choix amoureux et pulsionnel. Cette légitimité a priori des pulsions amoureuses a des limites, on le mesure aisément. Or, les rappeler est difficile dans notre société. Celle-ci, en effet, a construit le mythe selon lequel l’épanouissement de l’individu est une nécessité morale.

Aujourd’hui, différencier autocratie et despotisme reste essentiel lorsqu’on observe certains groupes familiaux, notamment ceux des communautés immigrées dans lesquelles le système d’organisation familiale prédominant est largement emprunté au patriarcat. Ici, le père détient la totalité du pouvoir. On ne saurait pour autant le qualifier de despote. Il peut l’être ou non. Il le sera dans l’hypothèse où son intérêt déterminera seul ses décisions, ce qui ne constitue pas la majorité des cas.

La connaissance peut bloquer le savoir

A l’épreuve de la réalité, un édifice théorique doit guider le questionnement et non offrir les réponses. 

Intervenir dans des situations d’errances psychiques ou sociales, c’est intervenir dans un système si écorché que le seul fait de l’observer constitue une agression. Or, l’unique prévention des effets pervers attachés à nos interventions est de les soumettre à des impératifs éthiques et à un examen critique.