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Critique de GabySensei


Postface de Jean-Philippe Dubois dans l'édition de "l'Arbre Vengeur" (P234-237) :

Les héros d'Emmanuel Bove ne sont que les Don Quichotte d'un quotidien fait de misère, de tristesse et de banalité, porteur uniquement de ce qu'ils découvrent d'eux-mêmes, de leur vie, de la moindre de leur sensation ou de leur action si peu agissante, si peu sensationnelle soit-elle. Ils ont à la fois une forme de fierté et une forme de honte, le tout sur fond d'échec, avec si peu d'idéaux qu'ils sont toujours repris dans l'abîme de ne pas être aimé et les impasses de leur solitude. [...]

Les personnages de Bove ne font pas envie, ne donne pas envie. Ils mettent en lumière de nombreux traits, petites mesquineries et autres lâchetés quotidiennes dont on n'est pas fier, et qu'on préférerait oublier... Toute la fragilité, voire le détresse de l'être humain s'y révèle volontiers.
Quelque chose fonctionne et fictionne cependant dans cette littérature qu'on aurait pu penser a priori peu propice à susciter l'identification. Et si cela marche quand même, on le doit probablement à ce style dépouillé et d'une précision extrême. le point de vue y paraît aiguisé, sans concession, lucide. Même au sein de la misère la plus sordide et la plus déprimante, une force de vie persiste et signe, pas tout à fait indigne, jamais méprisable, ainsi que le soulignait, à sa mort, son ami de toujours, Pierre Bost. Dans la nouvelle "Un autre ami", Victor Bâton ne veut surtout pas être considéré comme un pauvre semblable aux autres...

On peut lire Bove, parce que ses livres sont incontestablement de l'ordre de tours de force littéraires qui font les chefs-d'oeuvre. Mais on tend ensuite à vouloir effacer certaines représentations de ce qu'on l'a lu, tel un cauchemar ou un mauvais rêve, tant il nous ferait plus volontiers mal que rire. L'humour est certes là, incontestable, mais il ne gagne pas toujours la partie du "devenir lucide". Et l'oublie relatif dans lequel cet écrivain retombe régulièrement dans l'histoire même de la littérature du vingtième siècle, s'explique sans doute aussi pour cette tendance à susciter le refoulement chez son propre lecteur.

"Je ne sais pas ce que j'ai fait à la vie", disait-il à propos de lui-même dans une interview, "mais elle m'a traité avec un humour souvent féroce."
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