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Critique de Sachenka


C'est une oeuvre remarquable que Dans le grand cercle du monde. J'ai acheté ce livre sans en connaître l'histoire, à cause de tous les commentaires élogieux que j'en ai entendus. Joseph Boyden nous propose une visite dans le passé, au XVIIe siècle pour être exact. À cette époque, les Français commençaient à s'installer dans la vallée du Saint-Laurent alors que les Iroquois et les Hurons-Wendats étaient perpétuellement en guerre. Une situation trouble que l'arrivée des Blancs a exacerbée… Un des intérêts de ce roman est que l'auteur donne leur voix à tous les partis impliqués. Trois narrations. Trois points de vue différents. Donc, pas de parti pris !

D'abord, il y a Christophe, le jeune Français, un missionnaire, un jésuite, envoyé auprès des « sauvages » afin d'essayer de les convertir à la foi chrétienne, aussi pour consolider des liens d'amitiés (mais surtout de maintenir des liens commerciaux, un monopole sur le commerce des fourrures). Il est surnommé Corbeau à cause de sa robe noire, peu pratique, la risée des autochtones.

Ensuite il y a Oiseau, chef d'un village huron, membre de la puissante confédération Wendat, attaché aux traditions ancestrales de son peuple. Contrairement à ce que beaucoup croient, pas tous les Amérindiens vivaient dans des tentes au milieu des bois. Les Hurons étaient sédentaires, s'établissaient dans des villages de plusieurs milliers d'âmes, subvenaient à leurs besoins d'abord via l'agriculture (les trois soeurs : maïs, courge & haricot) puis ensuite grâce au troc avec d'autres peuples. Oiseau voit d'un mauvais oeil l'arrivée du jésuite (outre le fait que les contacts avec les Blancs étaient suivis de maladies, il sent que leurs valeurs et leur religion sont bousculés) mais l'estime tout de même essentielle dans sa lutte contre les Iroquois.

Puis il y a Chute-de-Neige, de la nation iroquoise. le roman s'ouvre avec sa capture par un groupe de Hurons menés par Oiseau et auquel participe Christophe. Sa famille vient d'être exécutée sous ses yeux on la ramène pour compenser la mort de la famille de Oiseau, dont elle deviendra la fille adoptive. D'abord hostile, elle finira par accepter sa nouvelle famille. À travers ce personnage, on découvrira que les deux peuples ne sont pas si différents l'un de l'autre.

Chaque chapitre, qui met en scène alternativement ces trois personnages, est court. Et le rythme est rapide. Ainsi, malgré les 600 pages du bouquin, on en remarque à peine l'épaisseur car l'histoire ne contient pas de longueurs. Il n'y a pas de passages que je juge superflu. Un seul regret : ne pas avoir le point de vue direct de Petite Oie. Il s'agit de la guérisseuse du village, une sorte de chamane aux pouvoirs multiples. Ce n'est pas une Huronne mais plutôt une Algonquienne de la tribue nomade des Montagnais qui a décidé recemment d'unir sa destinée à celle de ce grand peuple. D'où l'intérêt de son point de vue, original mais surtout plus objectif parmi tous ces Hurons et Iroquois en guerre.

Parce que c'est de guerre qu'il s'agit. Oui, l'arrivée des Français et des Anglais a exacerbé les tensions, mais le conflit existait depuis des générations. Il y a quelque chose de très tragique dans cette histoire. La fin d'une nation, d'une civilisation, est un événement troublant. Car les personnages sont témoins de tout ça, ils le voient venir et commencer à se produire. En tant que lecteur, on ne peut que se sentir interpelé par leur frustration, leur tristesse de voir leur culture s'éteindre avec eux. Certains ont peut-être moins aimé les scènes de torture, assez explicites vers la fin, mais c'était ça, aussi, le monde amérindien. Il ne fallait pas montrer que son côté polissé, dans le genre « communions avec les esprits de la forêt ».

Donc, le ton employé par l'auteur était très juste et ses choix littéraires, judicieux. de plus, Joseph Boyden a une plume très évocatrice. Il a su faire ressortir le tragique de cette situation sans tomber dans le mélodramatique, les moments héroïques sans tomber dans le patriotique et le parti pris. En fait, il a su respecter les points de vue de tous les côtés, sans jugement. du moins, c'est ce qu'il m'a semblé. Tout est arrivé parce que cela devait arriver, c'était dans l'ordre des choses. Bref, j'ai vraiment hâte de lire les autres romans de cet auteur de talent.
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