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Critique de Isidoreinthedark


Premier roman de l'écrivain canadien Joseph Boyden, « Le chemin des âmes » nous conte le cheminement halluciné d'Elijah et Xavier, deux jeunes indiens Cree engagés volontaires dans l'armée canadienne, au coeur des tranchées de la première guerre.

Explorant avec une acuité bouleversante les méandres de violence absolue et de folie pure qui hantèrent les plaines de la Somme entre 1915 et 1918, le livre semble habité par une noirceur insondable, que peine à traverser la lumière d'éphémères instants de grâce.

Si les lieux et les protagonistes n'ont rien en commun, l'épopée des deux amis évoque « Apocalypse Now », de Francis Ford Coppola, ainsi que le roman qui l'inspira, « Au coeur des ténèbres » de Joseph Conrad. On y retrouve la même trame narrative, un voyage au bout de l'enfer, un voyage au bout de la nuit aussi, qui nous envoie côtoyer, comme ses deux jeunes héros, une horreur indicible. On y redoute également la confrontation avec une forme de folie à l'état chimiquement pur, qui se dessine peu à peu comme la destinée ultime des deux protagonistes, que le regard fou du colonel Kurtz semble attendre niché au creux d'une tranchée du nord de la France.

Les scènes de combat dans les entrailles d'un paysage lunaire, dévasté par la fureur guerrière, constituent le fil du récit, tandis que les troupes canadiennes reprennent peu à peu le terrain cédé aux Allemands, et qu'Elijah s'enfonce dans une dépendance mortifère à la morphine et dans une folie meurtrière inextinguible. le roman observe ainsi avec une sagacité à la limite du supportable, l'horreur de la première guerre mondiale, cet enchaînement continu de bombardements, de combats au fusil, à la baïonnette et au couteau pour s'emparer des quelques arpents de terre qui séparent les tranchées des deux camps.

Et pourtant, « Le chemin des âmes » est aussi un roman ample et ambitieux dont l'objet dépasse l'aventure de deux guerriers indiens égarés parmi des visages pâles portant des casques à pointes.

En plongeant dans les souvenirs d'enfance de ses héros, l'auteur revient ainsi sur l'asservissement des tribus Cree ou Ojibwé par le colonisateur blanc, qui entend arracher les jeunes indigènes à leur culture d'origine en les plaçant dans des établissements où des bonnes soeurs acariâtres rivalisent de sadisme pour ré-éduquer les petits sauvages qui leur sont confiés.

Joseph Boyden revient surtout par l'intermédiaire du magnifique personnage de Niska, la tante de Xavier, sur la possibilité d'une survivance des traditions d'un peuple voué à la disparition. le second arc narratif de l'ouvrage, consacré au trajet en canoë de Niska et de son neveu estropié et drogué, enfin de retour en ce début d'année 1919, fait songer à « Dead Man », le très beau film de Jim Jarmush. L'amérindienne, qui a hérité du don de chaman de son père et le jeune soldat hanté par le fantôme d'Elijah vont remonter la rivière vers le nord de l'Ontario, et parcourront à leur manière « le chemin des âmes ». Tandis que les souvenirs de la grande guerre éclatent tels des grenades derrière les yeux enfiévrés de Xavier, Niska devra faire appel une nouvelle fois à la magie indienne pour tenter de sauver le jeune homme dont l'âme semble sur le point de rejoindre le Grand Esprit.

Si le roman raconte, avec une profondeur émouvante, le tragique de la guerre de tranchées qui ravagea le nord de la France, au travers de l'odyssée du solaire Elijah et du taiseux Xavier, sa beauté incandescente se niche dans le combat que mène envers et contre tout une vieille indienne pour perpétuer la spiritualité d'un peuple que les visages pâles ont tentée d'éradiquer à tout jamais.

« J'ai longtemps prié Gitchi Manitou cette nuit-là, puis le lendemain : je l'ai remercié d'être toujours en vie et pour la mort de mon ennemi. Depuis lors j'arrive à tuer en sachant que je ne le fais que pour survivre, et tant que je dis mes prières à Gitchi Manitou : il comprend. Mon ennemi, lui, ne le comprend peut-être pas quand je l'envoie sur le chemin des âmes, mais j'espère qu'il le comprendra le jour où je le rencontrerai à nouveau ».

PS : pour découvrir l'avis de Onee c'est par là :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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