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Critique de Yaena


Assise dans le canoë je me suis laissée bercée par l'histoire de Niska. J'ai entendu sa voix susurrer par-dessus mon épaule. Bercée par le clapotis des flots je l'ai écouté me raconter son peuple, me dire la liberté, la communion avec les éléments, les légendes millénaires. J'ai senti le souffle de ses ancêtres, vu l'orignal, ressenti la peur inspirée par les wemistikoshiw (les blancs), enduré la souffrance du carcan qu'ils ont voulu imposer aux Cree, aux Ojibwés et à tous ces hommes qu'ils disaient être des sauvages. J'ai senti l'arrachement de ce peuple à la nature, à leur terre avec laquelle ils ne faisaient qu'un ; senti la pitié de Niska pour ces pauvres fous et ressenti la futilité de leur grand Manitou et de leurs croyances. Comment un tel mépris de l'autre et de la nature peut-il être imposé par un Manitou bienveillant ? J'ai senti la fureur et la colère gronder dans son coeur et sa volonté s'affirmer à mesure qu'elle se heurtait au mépris et à la suffisance des wemistikoshiw.

J'ai écouté Neveu (Xavier) me raconter la pêche, la chasse, l'instinct, les traques silencieuses. Je l'ai écouté me raconter l'amitié, la fraternité quasi fusionnelle avec Elijha ce frère de coeur, cet autre lui. J'ai ressenti la fêlure quand les wemistikoshiw ont exploité ses dons, ceux des sauvages. Ces dons qu'ils essayaient d'extirper de leurs corps et de leurs coeurs à coup de prières, de vêtements « civilisés », de cheveux coupés et de sévices. Instrumentalisé dans cette guerre qui n'est pas la leur Neveu se bat pour rester humain, pour rester digne et ne pas se perdre. Elijha lui, veut plus il veut être le meilleur chasseur, meilleur que les wemistikoshiw. Il veut être le plus grand chasseur des tranchées, alors il comptabilise les cadavres des fritzs pour prouver sa bravoure, quitte à se perdre.

J'ai vu la fêlure devenir fissure puis plaie béante dans le coeur de Neveu et d'Elijha. J'ai vu la puissante médecine des wemistikoshiw pervertir leurs coeurs, et détruire leurs âmes.

Niska ne sait pas ce qu'est devenu Elijha mais elle sait que Neveu est là et qu'il a besoin d'elle. Elle sait que la médecine des wemistikoshiw est puissante mais ce combat elle ne peut le perdre. Alors elle susurre à l'oreille de Neveu ses vieilles histoires, sa vie. Elle lui insuffle la force de ses racines de ses ancêtres. Elle invoque le lynx, l'orignal et l'ours parce que face à la folie, à la barbarie et à la boucherie de cette guerre il faut des êtres puissants et dignes.

Ce récit est comme un conte initiatique. C'est l'histoire d'un peuple meurtri qui inlassablement se relève, toujours digne. Derrière la plume de Joseph BOYDEN j'ai entendu en écho celle de Richard WAGAMESE. Même humanité, même magie.
Portée par les mots, submergés par eux, j'ai fait un voyage incroyablement triste et lumineux. Peu d'auteurs savent faire cohabiter la laideur et la beauté, la cruauté et l'humanité sans que cela sonne faux, mais ici le tissage des émotions et des sentiments est d'une rare beauté.
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