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Critique de finitysend


Les Sagas sont ici abordées comme documents historiques autant que comme documents littéraires . Vous verrez dans ces pages que les scandinaves de ces temps reculés, étaient vraiment des vilains et des coquins (sourires).
Sur la mentalité noroise , Il ne faut pas perdre de vue que les sources sont pratiquement exclusivement poétiques et diversement littéraires .De ces sagas disons qu'elles étaient destinées à un public assez large . de ce fait elles offrent souvent de l'extraordinaire et elles ne sauraient être en tout point , un miroir rigoureusement fidèle des auditeurs de ces textes . Régis Boyer dégage ici des principes généraux de la mentalité et des valeurs noroises. Les documents , souvent littéraires (mais pas seulement) permettent d'accéder à ces mentalités collectives et donc à restituer le sens des agissements des personnages , en cohérence avec les mentalités d'un auditoire assez exigeant ,car conscient de ses règles de vie en société , qui se reconnait dans ces textes .
Les sociétés scandinaves médiévales furent des sociétés très juridiques et très codées en dépit de la presque absence de l'écriture dans cet univers .
Une grande partie de la religiosité scandinave tourne autour de la connaissance intime et notoire de la destinée individuelle , de la nécessité vitale et impérative de rechercher sa teneur et de se dédier à son accomplissement .Une attention obsessionnelle est donc accordée aux présages et donc à ce qui peut être un signe . Cette recherche concerne les individus en particulier , mais rejoint toujours le collectif. La collectivisation ( par le récit ) des expériences individuelles d'un sacré très dilué dans la vie , est le sel et le cadre de l'accomplissement de beaucoup des projets divins Il n'y a pas de fatum , de destin scellé , la partie reste ouverte par le biais de l'effraction causée par la volonté . Les héros comme les dieux s'acharnent véhémentement à s'accomplir , à se réaliser , un peu comme des forcenés ( sourires ).
L'univers des anciens scandinaves n'est pas complètement diffèrent de celui des grecs . L'imbroglio qui résulte de cette vision de l'univers , ressemble un peu à l'Iliade et aux conséquences des actes de certains agents des mythes grecs comme les Parques , mais cette ressemblance s'exprime dans les mondes germaniques avec un coté forcené et une iconographie fréquemment morbide .
Le courage norois est par exemple légèrement décalé avec l'idée que nous nous faisons de cette notion , qui fait que pour nous , le courage est le résultat d'un processus raisonné . Chez nos chers germains , alors que certaines formes de possession , d'interventions divines et d'illusions trompeuses , peuvent surgir à tous moments , et alors que sont violement rejetés le suicide , la couardise , le doute et autres hésitations qui ne sont pas en odeur de sainteté , le courage s'il existe , n'est donc pas le courage au sens où nous l'entendons .
Dès la naissance le nouveaux né est l'objet d'un don d'aptitudes qui colorent sa destinée qui sont et qui restent de nature divine . le destin et l'accomplissement individuel relèvent du sacré . Il y a donc du sacré en l'homme . C'est une donnée qui le dépasse d'ailleurs .
Il y a quelque chose qui participe d'un culte dans l'accomplissement individuel .C'est largement plus , qu'une simple question de moralité , car l'individu participe avec ce don initial au maintien du cosmos . C'est d'ailleurs un aspect très spectaculaire dans l'économie symbolique de la royauté germanique qui a pour fonction primordiale de maintenir le cosmos . Cette destinée royale individuelle affiche une connotation collective du fait de ses retombées structurelles immanentes ( cf. le Beowulf ) . Fondamentalement pourtant le destin est individuel , ceci place l'individu , l'individualisme et l'individualité au centre des sociétés et des mentalités germaniques . L'individu est donc doté au commencement . Il peut perdre cette dotation , la retrouver ou en acquérir une ou une autre . L'accomplissement du destin est une oeuvre ( opus ) qui justifie tout même au mépris de toutes les règles et souvent au mépris du bon sens .L‘individu se doit de d'accomplir le destin mais il n'en sera pas sacrosaint pour autant et on aura le droit de se venger de lui , car les contrecoups et les effets du destin relèvent de la responsabilité individuelle . L'accomplissement du destin est donc pour l'individu , pour le meilleur et pour le pire. Cet élan d'accomplissement ne saurait être caché , il est nécessairement public (même sans témoins) et la parole est ici au centre car il n'est pas de destinée qui ne soit l'objet d'un « dit » . Cet accomplissement est une nécessite sociale et sacrée . Ce qui est bien , ce qui est mal dans ce contexte se jauge à l'aune de ce dépôt sacré qui réside dans chaque individu , et la société ne saurait empêcher ses effets de se produire ( il n'est pas interdit d'essayer ) au travers de l'empêchement des agissements de l'individu , du moins , autrement que par l'accomplissement d'une autre destinée , qui répondra au même mode fonctionnel , mais avec une finalité contraires et en opposition . La vie en somme , est un peu un combat de héros/hérauts .
La honte individuelle ou collective résulte moins d'une faute morale que d'une insulte au sacré (souillure ) . Elle est le résultat d'une véritable désacralisation de l'univers , une impureté qu'il faudra effacer pour le re-sacraliser.. L'individu et son comportement sont donc au le lecteur se prend à compatir ,être peiné sérieusement, ou encore à vouloir fuir. de la sacralisation et de la désacralisation du réel , le comportement individuel est avant tout une expression du sacrée .Cet état de fait place l'individu dans l'obligation de venger l'injure publique ou non publique , car elle est faite au principe divin que l'individu porte en lui et qui s'exprime éventuellement au travers de certains de ses actes .
La honte est intolérable et la vengeance est une nécessité absolue , la mort est parfois le seul prix juste et approprié pour lever la souillure sur l'âme qui est un lieu quasiment numineux . La vengeance est alors une nécessité sacrée , cependant elle est encadrée par la loi , qui vient ici moins pour proposer un moyen moins extrême de réparer un préjudice mais qui vient d'abords tenter de restaurer le sacré en l'individu et en soi .
Ne pas fréquenter la société des hommes ne saurait être une chose admissible , de ce fait l'exclusion sociale équivaut à une mort intégrale et infamante . Elle génère une souillure individuelle et incidemment une souillure collective , car elle annihile le divin qui déserte l'individu .
Le bannit n'est pas à plaindre . Il est hautement méprisable au contraire , surtout s'il accepte cette condition qui est une abomination contagieuse .
Conclusion : le divin et sa célébration sont donc le fondement de la plupart des aspects de la vie en société .
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