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Critique de Biblioroz


Hana est une haenyeo, une femme de la mer. Tout comme sa mère, elle plonge dans les profondeurs glacées de la petite crique de son île coréenne. Elle sonde les fonds aquatiques pour dénicher abalones, oursins, conques et poulpes rouges.
Sur la plage de galets, sa petite soeur Emiko surveille la pêche et tient lieu de phare rassurant lorsqu'Hana émerge des eaux froides.
En cette année 1943, la Corée est un pays occupé par les Japonais. Enfouies la langue et la culture coréennes, l'identité d'une nation. À sa place, la peur, peur de l'uniforme japonais, peur des soldats envahisseurs. Peur du japonais Morimoto qui arrive vers la crique, peur que sa petite soeur tant aimée soit enlevée. Hana va au devant de l'ennemi pour protéger Emiko.
Les peurs se multiplient, peur de l'éloignement, peur de quitter son pays, peur de ne plus jamais revoir la petite Emi. Dans le ferry, puis dans le train roulant vers la Mandchourie, l'infâme envahisseur dort tranquillement pendant qu'une terreur de plus en plus sourde habite ces filles kidnappées pour devenir d'avilissantes femmes de réconfort.

Des dizaines d'années plus loin, Emi trouve le silence, la quiétude, dans les mêmes fonds marins. Les souffrances de son corps de 77 ans s'apaisent dans les eaux glacées. Les réminiscences sont trop douloureuses, elle tente de taire ses souvenirs mais ils se manifestent tout de même dans ses cauchemars.

Comme en plongée en apnée, la respiration s'interrompt parfois lors de cette lecture poignante et douloureuse.
Comment ne pas être broyée par ces kidnappings, ces viols répétés, ces tortures, cet avilissement et ces humiliations subits par toutes ces femmes, ces jeunes filles, ces enfants ?
Le mot dégoût est bien trop léger pour qualifier la sensation éprouvée devant cette ignoble page de l'histoire japonaise.

J'ai tremblé et tant souffert pour Hana.
J'ai haï Morimoto, un concentré de méchanceté, de brutalité, de sadisme.
J'ai peiné sous le fardeau d'Emi, cette souffrance enfouie, cette inévitable culpabilité ressentie toute sa vie face au sacrifice de sa soeur.
J'ai été révoltée par les difficultés à faire reconnaître comme crimes de guerre cet esclavage sexuel, au refus du gouvernement japonais à s'excuser devant les victimes.

Lecture bouleversante mais heureusement romancée pour nous, pauvres lecteurs, impuissants à changer l'Histoire et toutes les atrocités inhumaines qui la composent.

Au-delà de cette horreur, c'est une très belle relation sororale avec l'image d'Hana, qui, pour survivre aux viols, retient sa respiration tout en s'imaginant serrer la main de sa petite soeur et entendre son rire cristallin.
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