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Critique de Krissie78


Dans "Seconde Guerre Mondiale" il y a "mondiale". Notre regard centré sur notre continent a focalisé notre culture générale sur l'histoire de l'Europe, et le soft power d'Hollywood y a ajouté celles des US.A. Et souvent je regrette qu'au travers les médias et de l'enseignement scolaire on ne nous donne pas plus d'ouverture sur le reste du monde, ce qui masque le fait que, entre autres sujets, les horreurs de la guerre n'ont pas marquées que le seul continent européen.

Avec "Filles de la mer" Mary Lynn Bracht nous donne cette ouverture et nous permet de découvrir le destin des jeunes Coréennes enlevées pendant la Seconde Guerre mondiale par les Japonais (comme dans d'autres pays d'Asie) et envoyées sur le continent pour servir de "femmes de réconfort" aux soldats japonais. Un terme bien soft pour décrire les souffrances endurées par ces jeunes femmes, des enfants parfois, soumises aux traitements les plus abjects pour le plaisir et le moral des troupes japonaises.

Un livre bouleversant, de ceux qu'on ne peut plus lâcher une fois qu'on a lu la première page. On suit le parcours de deux soeurs, à 70 ans d'intervalle. En 1943, pour protéger Emi sa petite soeur de 9 ans, Hana se laisse capturer par des soldats japonais tout en ayant conscience de ce qui l'attend. Elle a 16 ans et est membre des haenyeo, ces filles de la mer, pêcheuses indépendantes de l'ile de Jeju. Elle va subir le sort des "femmes de réconfort", objets sexuels des soldats de Mandchourie. 70 ans plus tard sa petite soeur ne relâchera pas ses efforts pour tenter de retrouver cette grande soeur qui s'est sacrifiée pour elle.

On navigue entre les deux époques, entre la Mandchourie de 1943 et la Corée du sud de 2011. Les chapitres alternent le destin de Hana dans ces bordels organisés par l'armée japonaise pour ses soldats et ce mercredi de décembre 2011 qui marque la 1000e manifestation devant l'ambassade du Japon à Séoul pour réclamer reconnaissance et réparation pour ces milliers de femmes suppliciées.

L'écriture est dynamique, fluide, rythmée. Bien qu'abordant un sujet très douloureux qui reste un tabou tant pour les Coréens que pour le Japon, c'est un roman qui se dévore d'une traite. Les mots sont sobres et précis. L'auteure y décrit le supplice de ces femmes mais le ton n'est pas larmoyant, tant dans l'évocation des souvenirs d'Emi que du parcours de douleurs de Hana. Il est au contraire tout en nostalgie en compassion, en sensibilité. Mary Lynn Bracht y dresse des portraits de femme fortes, courageuses, dignes, qui ont traversé les épreuves et la violence des hommes au cours de deux guerres, l'une mondiale, l'autre civile.

Grâce à ce très beau roman j'ai appris que depuis 2016, la pratique des Haenyeo fait partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, reconnu par l'Unesco. J'ai aussi et surtout découvert tout un pan de l'Histoire que j'ignorais, et un peuple très attachant.

Un très beau premier roman. Un de mes coups de coeur de lecture pour cette année 2020. Merci aux lectrices et lecteurs de Babelio dont les chroniques m'ont donné envie de partir à la rencontre de ces femmes exceptionnelles.

Ne passez pas à coté de cette lecture !
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