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Critique de Marie-Mathilde71


Fahrenheit 451 : la force évocatrice d'un visionnaire...


35 ans plus tôt, une oeuvre majeure s'inscrit dans l'histoire de la littérature : Fahrenheit 451, un ouvrage qui attise encore divers sentiments et critiques, du fait de son étrange et incroyable maturité et de son anticipation.
Ray Bradbury n'était pas seulement un écrivain, c'était un visionnaire : le portrait qu' il réalise de la société, en 1953, est le prototype même de notre époque contemporaine à travers une vision dystopique dans laquelle tout le monde n'a pas sa place. Mais les « laissés pour compte » se doivent de ne rien trahir de leurs pensées et de quelconque signe de révolte, qu'elle soit purement dévoilée ou bien intériorisée - car aucune source de contrariété ne doit perturber le calme morne de la société. Les règles de vie ne sont pas très difficiles : contentez-vous de fixer candidement votre écran de télévision et de céder votre existence insignifiante à de vulgaires machines qui sont censées remplacer l'intelligence et la main d'oeuvre humaine, et n'oubliez pas le plus important : agissez comme si vous étiez heureux !
Une question se pose alors : Sommes- nous heureux ? Sont- ils heureux ? Quel est alors l'essence même du bonheur, et pouvons-nous seulement nous en souvenir ?
La question s'est-elle même déjà présentée dans nos esprits concentrés sur le seul point commun qui nous unit, c'est-à-dire, nous-mêmes.
Car cette notion du bonheur semble se noyer dans une conception du monde tout à fait matérielle et burlesque : les gens ne vivent que pour la distraction, l'amusement, l'excitation...
« Les gens veulent être heureux, d'accord ? N'avez-vous pas entendu cette chanson toute votre vie ? Je veux être heureux, disent les gens. Eh bien, ne le sont-ils pas ? Ne veillons-nous pas à ce qu'ils soient toujours en mouvement, à ce qu'ils aient des distractions ? Nous ne vivons que pour ça, non ? Pour le plaisir, l'excitation ? Et vous devez admettre que notre culture nous fournit tout ça à foison. »affirme Beatty à Montag.
Beatty, le capitaine des pompiers, est le symbole du personnage totalitaire, qui n'a pour modèle que ce que le gouvernement proclame et impose, et qui se fond dans le panurgisme de la société. Plus encore, il est la représentation d'une société qui se fane, qui se meurt, à travers un consumérisme destructeur : les gens consomment à tord du bonheur, mais ils n'en profitent pas durablement, une fois le bonheur "trouvé", si l'on peut vraiment affirmer qu'il l'ait été, ils le perdent, sans même sans rendre compte. Face à ce caractère, s'élève le héros, l'élu de l'histoire : Guy Montag, qui deviendra, au fil des pages , un fervent résistant contre l'enrôlement général. À travers ses yeux, à travers sa conscience, nous percevons le message de l'auteur qui se fait de plus en plus clair : nous n'oublions pas uniquement de nous préoccuper des évènements présents autour de nous, nous occultons également nos pairs, et la beauté du monde : « Et si vous regardez bien..." déclare Clarisse, rencontre majeure pour Montag puisqu'elle lui ouvrira les yeux sur son embrigadement en levant la tête vers le ciel. "... on distingue le visage d'un bonhomme dans la lune[...] et Ray Bradbury de conclure : il y avait longtemps qu'il n'avait pas regardé de ce côté-là. »
La société est constamment sollicitée par ce besoin de divertissement à travers les images, les selfies, la télé-réalité... n'est-ce pas une "formidable" prévision de ce qui se déroule actuellement ?
Les gens perdent leur identité natale et se noient dans une identité virtuelle, numérique, ce qui corrompt leur personnalité, et leur âme, qui devient égale à une coquille vide, telle l'être qu'est devenu Mildred, rendue malade par une dégénérescence de la société, et poussée au suicide au début de l'histoire, en raison de la vacuité de son existence.
Heureusement, l'auteur nous rassure en nous communiquant cette lueur d'espoir : À coté de ça, il y a des gens qui se construisent une richesse grâce à la lecture, comme « les hommes-livres », de vrais bibliothèques ambulantes, qui sont, certes peu, mais qui sont des hommes libres, des témoignages, un peu à l'image de Fabrice Luchini - quelle beauté, quelle chance de pouvoir ainsi réciter les textes qui nous racontent ! À travers la littérature, on se recherche soi-même, quelque soit les âges et cette recherche perdure encore dans notre société contemporaine. Voilà donc un très beau message de la part de l'écrivain, et nous sommes d'autant plus assurés qu'il y aura toujours des rebelles pour se battre contre le système.
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