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Critique de ma_mots_et_images


Avec le Règne de l'Homme, Rémi Brague exécute une brillante généalogie des concepts qui ont abouti jusqu'à l'impasse civilisationnel actuel. Par l'exposé d'un impressionnant corpus d'auteurs, il guide son lecteur sur le chemin des évolutions intellectuelles qui, de l'Antiquité au XXème siècle, ont transmué la position même de l'Homme dans le Cosmos. L'extirpant d'un ordre, fondé sur la Phusis pour les Grecs, le Dieu créateur pour le Moyen-Age chrétien, afin de le propulser en direction d'un renversement des hiérarchies qui, en postulant sa toute-puissance, finit paradoxalement par lui ôter la moindre valeur intrinsèque, le condamnant à une insignifiance dont le débouché logique le mène jusqu'au nihilisme le plus autodestructeur.
C'est le long de cette articulation dialectique, considérée dans sa profondeur historique, que Rémi Brague décortique l'étalement de considérations que la Modernité a poussés à l'extrême bout d'une logique du désespoir. Plaçant quelque peu cette fascinante démonstration sous l'axiome chestertonien d'idées chrétiennes devenues folles. En prenant soin, toujours, de souligner que chaque étape de leur transformation mortifère ne se voyait pas fatalement induite par la formulation de celle qui la précédait. Etablissant plutôt à quel point la séparation, opérée pas à pas, de l'Homme de tout assujétissement au respect d'une antériorité avait progressivement vidé sa vie de toute valeur susceptible de reposer sur une mesure objective, au profit d'un déclassement, en une genèse mégalomaniaque de l'autocélébration voire de l'autocréation certes, mais l'amenant à une dépréciation virant à sa plus totale mort.
Loin de le hisser à la tête de la Création, libéré de toute contingence, absolu démiurge maître de lui-même comme de l'Univers, ainsi qu'avaient pu l'esquisser quelques-uns des plus fanatiques depuis l'âge classique, l'Homme, en s'étant arrogé une totale autonomie par rapport aux limites qui auparavant l'astreignaient, se retrouve dépassé par son propre devenir, errant dans l'inutilité de l'infixité de sa substance. En violant la Nature et en prétendant assassiner Dieu, l'Homme s'est fermé à l'émerveillement vis-à-vis de la première et à l'amour du second. Tournant le dos à la richesse de ce qui le précédait, centré dans une circulaire vacuité, se condamnant au refus de la Grâce et du Salut. En tuant le Divin, dont il est parcelle et qui l'anime, l'Homme ne propose plus rien que son suicide, par la machinerie de l'euthanasie, qui plus est !
Livre brillant, fécond dans son foisonnement, enthousiasmant dans ces leçons ! Au vertige qui, à sa lecture, saisit l'esprit devant l'implacable transformation subie par l'Homme sur les derniers siècles, répondent la conviction et l'espoir, pour l'âme, d'un retour vers la Sacralité.
Je remercie le programme Masse critique de m'avoir fait découvrir cet auteur dont l'exploration de la formulation des concepts force le respect.
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