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Critique de Pasoa


Pasoa
02 décembre 2022
Depuis que j'en ai fait la découverte, j'ai pour la poésie de Richard Brautigan un attachement tout particulier.
Également nouvelliste et romancier, Brautigan est considéré comme un des derniers représentants de la Beat Generation, dont il se tint pourtant toujours à distance. Dans les dernières années de sa vie, marginalisé, il vécu retiré avant de se donner la mort en octobre 1984. Richard Brautigan avait 49 ans.

Il a écrit ses premiers poèmes pour séduire les filles (un moyen comme un autre d'attirer l'attention sur lui. L'histoire nous dit cependant que les échecs furent nombreux...). Épris de lecture, de poésie surtout, il fut un enfant et un adolescent solitaire, discret, marqué par l'influence d'une mère peu aimante et l'absence d'un père qu'il ne vit que deux fois durant sa vie. Il portera longtemps l'image du simplet isolé, rêveur et sans amis.

Richard Brautigan a toujours eu une conscience aiguë de sa personne, de ses manques, de ce qu'il incarnait aux yeux des autres. Ce sentiment influença beaucoup son style.
Pour rentrer dans la poésie de Brautigan, il convient de renoncer à toutes les règles de forme (de métrique, de rimes,…) et de style. Son écriture va à rebours de tout conformisme littéraire. Ce qui marque d'emblée chez elle, c'est la simplicité du style, presque monocorde, sans rythme. Mais c'est surtout l'insolite, l'incongruité des sujets abordés qui étonne. Ils sont tous emplis d'ironie, d'humour décalé mais également de désenchantement.

" J'ai
rêvé
que j'étais un oiseau
perché sur un pommier.

Le soleil
était de sortie
et mes plumes
étaient chaudes.

Je me
reposais
entre deux parades
amoureuses
quand des gosses
m'ont descendu
avec une carabine à plomb." *

Dans les poèmes de Brautigan se livre la conscience de soi, la primauté de l'individu, dans un monde qui offre tour à tour matière à s'émerveiller mais aussi à désespérer, où coexistent la délicatesse et la cruauté. Dans des textes en vers très courts, des histoires brèves, le poète écrit inlassablement sur la capacité de l'imagination à transformer la vie, à défaire les apparences, à ébranler la vision trop suffisante que nous avons du monde.

" La simplicité
de la vie
et la complexité
de la mort
jouent à un jeu
appelé éternité
contre
la complexité
de la vie
et la simplicité
de la mort. " **

Les allusions à des événements douloureux mais aussi heureux sont nombreuses dans l'écriture de Brautigan. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il ne se paye pas de mots, c'est sa générosité débordante (dans le milieu des années 60, Brautigan distribuait aux passants dans la rue des poèmes qu'il venait d'écrire). Dans chaque poème, Brautigan veut y faire entrer le monde entier, donner à saisir, à comprendre une part du monde (pas la moindre) qui nous entoure. Poésie minimaliste pour dire le tout, l'unique.

" Je veux sentir
la poésie apaisante
de Tes mains
flâner sur mon visage." ***

Attachante, déconcertante, familière et étrange, tendre et parfois cruelle, souvent émouvante, la poésie de Richard Brautigan est tout cela. Elle est aussi, marque des grands poètes, inoubliable.


(*) poème " J'ai rêvé que j'étais un oiseau "
(**) poème " Un jeu appelé éternité "
(***) poème " La poésie de Tes mains "
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