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Critique de Pois0n


Avant toute chose, je tiens à remercier chaleureusement les éditions Syros, Babelio et l'opération Masse Critique pour m'avoir permis de découvrir ce livre ♥

Si le « post-apocalyptique » est un genre à part entière et que la « z-lit » a souvent du mal à exister sans, rares sont les titres mêlant intelligemment les deux ; où la déchéance de la civilisation humaine n'est pas là que pour servir de décor à une historie de zombies.

Bon, alors petite mise au point pour celles et ceux qui regarderaient les tags Babelio en premier, il n'y a rien de dystopique là-dedans. La dystopie, c'est une utopie (« un monde idéal »), bien souvent futuriste, qui a mal tourné. Ici, on a affaire à du pur post-apo, où la société est organisée telle qu'elle est non pour des raisons de contrôle mais tout bêtement de survie. S'il fallait coller l'étiquette « dystopie » sur toute fiction où l'on retrouve un système de castes, on aurait pas fini. Bref.

Ceux des limbes prend donc place 150 ans après une épidémie ayant ravagé l'humanité, comme dans toute histoire de zombies classique. Sauf qu'ici, ce n'est pas un virus qui transforme les gens, mais... un champignon. Si jamais l'idée vous semble farfelue, sachez qu'il en existe réellement un aux effets tout à fait similaires en Amazonie, mais dont les conditions de survie ne lui permettent heureusement pas de s'en prendre à autre chose qu'aux fourmis. (Si vous aimez vous faire peur, allez lire ça : , c'est fascinant.) Bref, c'est original tout en restant crédible. L'humanité s'est donc réfugiée sur une montagne-forteresse, entourée par la forêt sans fin qui recouvre désormais le monde. Forêt où se terrent les limbes (les fameux zombies dont le nom bizarre au premier abord sera justifié plus tard dans le récit) et où seuls s'aventurent les éclaireurs en quête d'autres survivants, ainsi que les jeunes pour endurer une épreuve de survie, rite de passage à l'âge adulte. le reste, c'est dans le résumé.

Dans le fond, l'histoire de Ceux des limbes n'a absolument rien d'original et enchaîne même les clichés du début à la fin. Certaines ficelles, aussi grosses que des baobabs, permettent ainsi de deviner d'emblée certains éléments du scénario (), d'autres concernent les rebondissements (). Sans parler des personnages très stéréotypés. Bref, au lieu de nous sortir un jouissif « ah ! je le savais ! », on laisse plutôt échapper des « ben voyons, comme par hasard... ».
Mais tout ça ne gâche en rien la qualité intrinsèque du bouquin. Tout au plus n'y a-t-il simplement aucun effet de surprise.

Parce qu'à côté de ça, Ceux des limbes est juste VACHEMENT BON. Il ne s'agit pas d'une simple histoire de zombies où des jeunes d'origines diverses se retrouvent lâchés en pleine forêt avec tout ce que ça implique. Si, comme dit plus haut, les péripéties sont souvent assez téléphonées, elles n'en restent pas moins bien racontées et s'enchaînent avec fluidité. A tel point qu'on se fiche de savoir à quoi s'attendre, se laissant simplement porter par les mots, transportés aux côtés du petit groupe, affrontant les épreuves avec eux. C'est rythmé. Parfois même franchement mouvementé. Des fois un peu facile quand même, lorgnant de temps à autre dangereusement du côté du TGCM (« ta gueule, c'est magique », comme ), mais jamais incohérent, et c'est là l'essentiel. L'histoire manque un poil de tension dramatique et de suspens aux moments où il aurait fallu, mais rien de bien grave.
Autre aspect du récit particulièrement bien foutu, la relation touchante unissant Oto et Naha. Elle n'est pas seulement la raison ayant poussé le jeune homme à s'enfoncer dans les bois mais carrément sa raison de vivre. le lien entre eux est terriblement fort mais ne les aide pas toujours, les poussant même parfois à agir de façon inconsidérée. Sans parler des désaccords pouvant naître dans des situations extrêmes... Bref, au lieu d'une bluette mièvre et naissante, on a affaire à un couple déjà solide confronté à des épreuves qu'ils n'auraient jamais pensé avoir à traverser.
L'ambiance du titre est donc globalement assez mature, même si l'ouvrage reste tous publics et plutôt avare en matière de détails gore. C'est plus dans le propos et les thèmes abordés qu'il faut regarder.

Mais le principal point fort de Ceux des limbes, c'est que loin de n'être qu'un simple décor pour l'histoire, la forêt est carrément un personnage à part entière. Camille Brissot a juste pondu les plus belles descriptions de forêt que j'ai jamais eu l'occasion de lire. On a l'odeur de l'humus dans les narines, on entend la pluie mitrailler les feuilles d'arbres, on voit la végétation évoluer au fur et à mesure que le groupe s'éloigne du Mont-Survie. Sa plume est légère, précise, retranscrit merveilleusement l'ambiance des sous-bois. Alors oui, il y a beaucoup de « paysagisme littéraire » dans la première moitié du livre et si vous n'aimez pas la verdure, le risque d'overdose n'est pas à écarter. Heureusement, ces passages enchanteurs sont répartis entre des scènes plus mouvementées et ne sont pas envahissants, rendant au contraire la narration parfaitement équilibrée. On chemine avec Oto, Naha et les autres. On s'émerveille devant les ruines d'Esserre avec eux. Ceux des limbes est un voyage ; dans un futur où la nature aurait totalement repris ses droits. Certes, à coups d'épidémie zombie, mais, après tout, on n'a rien sans rien. le côté post-apocalyptique est donc omniprésent, mais pas nécessairement de la façon où on l'attendait. Au lieu de s'attarder sur les ruines de l'humanité, Camille Brissot a préféré évoquer le triomphe de la végétation sur celles-ci.

Alors oui, il y a ces rebondissements ultra-téléphonés et cette fin super abrupte, mais à côté, tout le reste est tellement bien foutu, l'ambiance du titre tellement bien réussie, que ce serait un tort de se priver. de toutes façons, les nombreuses originalités du roman compensent sans mal les aspects où il en manque cruellement, réussissant déjà sans mal à le faire sortir des histoires de zombie ou du post-apo classique.
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