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Critique de meyeleb


A nouveau, il m'est donné de vérifier que le continent Poésie n'est pas la terre d'un exil froid et solitaire. Si ses autochtones y sont rares, c'est qu'ils ont beaucoup marché, gardant, précieuse, une chaleur tout au fond d'eux-mêmes. Ainsi, la vibration ténue de la toile de Moovanse m'a-t-elle retenue dans ses fils, juste le temps de lire quelques vers, de partager quelques noms; et me voici chargée de nouvelles sensations, d'une chaleur un peu plus profonde, de paysages plus aquatiques nommés Ile. Ile Eniger.
J'en cherche les recueils. Introuvables. Epuisés, disent-ils! Mon esprit, bien que vagabond, s'imagine difficilement l'épuisement d'une île. Qu'elle soit submergée, passe encore! Il faut chercher, sonder, jusqu'à trouver le filon, la pépite.
Elle a pour nom "Elles sont là, et vous?", petite anthologie de deux voix croisées, amies, celles de Brigitte Broc et Ile Eniger. Deux voix pour un spectacle, sans doute donné jadis quelque part dans les terres rouges du sud dont elles partagent le sel.
Sur le livret, pas de date, pas de code ISBN. Un carnet à spirales où les mots côtoient les lithographies-peintures de Bellet (compagnon d'Eniger) sur papier blanc épais. Une édition : "Les chenilles bleues" dont nul ne connaît plus l'existence. Etonnante trouvaille, qui me permet de déguster quelques fruits savoureux de celle dont je cherchais les recueils, et me permet de découvrir une autre voix, celle de Brigitte Broc, dans une belle harmonie de tonalités femmes.
Le recueil se divise en sept tableaux, comme autant de déclinaisons du mot "femme". Femme-enfant, amoureuse, blessée, érotique, révoltée. Un voyage au pays des émotions partagées, de saisons où la terre se fait corps et le corps limon, où les deux voix sirènes se font écho, se répondent, se complètent :

L'une (BB):

"Et si nous dormions
L'un dans l'autre
Unis dans le ventre du Temps
Sans passé, sans présent,
Ballots d'écume
Mais toujours transparents."

L'autre (IE):

"Ne pas entendre
Ne pas voir
Se taire
Oublier le large qui arrache les ailes.
Mais,
Son odeur de savon poivré…

L'héritage d'une envie défait mes sandales."

Je ressens beaucoup de complicité dans ces deux regards, le plaisir commun de faire vibrer les mots, de dire le féminin dans son attente, dans la fragilité de la préhension du monde, mais aussi dans la violence de son désir et parfois de son désarroi.

J'aime beaucoup cette façon dont les deux poètes trouvent à concilier la douceur et la passion, comme s'il était inutile d'essayer de les séparer, comme si là, justement, résidait une forme de force, de beauté.

Est-ce parce qu'elles sont femmes, j'ai le sentiment que ces mots sont faits pour moi, qu'ils me parlent. Mieux encore, ils parlent de moi, de mes émotions intimes et contradictoires, de mes peurs, de mes désirs.

Merci Moovanse…
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