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Critique de gavarneur


C'est ennuyeux : descendant une piste noire, j'hésiterai désormais à chanter, même dans ma tête « Voilà pourquoi nous la chantons : Vive la Noire ». Parce que je viens d'apprendre que la suite est : « Vive la Noire et ses tétons ». Je connais la chanson depuis des lustres, grâce à des vinyles reproduisant les vieux enregistrements d'Aristide Bruant, mais je n'avais pas compris ou retenu toutes les paroles. Et un joli volume relié ayant appartenu à mon bisaïeul m'a tout fait comprendre. Il est de plus illustré par Steinlein dont j'aime les chats et d'autres gravures (celles pour Les Soliloques du Pauvre, par exemple). Bref, un livre qui aurait tout pour me plaire.

D'ailleurs, qu'avait-il pour plaire à mon bisaïeul, à part les dessins de Steinlein, pas encore fameux (la première édition date de 1889). Avait-il pu entendre Bruant dans son cabaret ? Qu'aimait-il chez lui : son nationalisme, son utilisation d'un fond de chansons folkloriques, le petit frisson que la description de la pègre provoque chez un bourgeois ? Sans doute pas ses mélodies assez sommaires et répétitives (notées dans ce recueil).

Et à moi ? Bien sûr, j'ai surtout aimé retrouver, si bien décorées, les paroles de chansons écoutées autrefois. Mais quel univers ! Une chanson que j'aimais :

« Elle avait sous sa toque de martre,
Sur la butte Montmartre,
Un p'tit air innocent.
On l'appelait rose, elle était belle,
A' sentait bon la fleur nouvelle,
Rue Saint-Vincent. »

et qui n'est pas dans ce recueil, parle d'une jeune fille pure : elle finira assassinée, sans motif. Et dans ce livre, je ne crois pas qu'il y ait une seule jeune fille en fleur. Toute les femmes y sont des prostituées, les hommes sont proxénètes (souvent ivrognes, toujours battant leurs femmes) ou clients de ces dames, et la plupart des proxénètes sont des assassins avérés ou en puissance. Je suppose que le public de Bruand en redemandait, avec une référence implicite à Villon. Ce public bourgeois demandait qu'il les engueule dans son cabaret, en leur chantant la misère du peuple dans un argot soigneusement observé par lui dans la rue et les bibliothèques.

J'avoue que la verve de Bruand me fait de l'effet, je le crois aussi sincère dans son anticléricalisme et sa compassion pour les laissés-pour-compte. Mais c'est la langue verte qu'il emploie qui me réjouit le plus, et qui me fait vous recommander cette (rapide) lecture.
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