A mesure qu'il s'enfermait dans son silence, il retrouvait cette impatience adolescente, cette forme d'égoïsme si particulière des fils uniques.
Il savait bien qu’on ne connaît jamais véritablement les gens que l’on côtoie, que des frontières de verre, mouvantes et souples, nous en séparent à jamais, mais à ce moment-là il prit conscience de ce qui allait le poursuivre jusqu’à sa mort : qu’ils souffrent tous comme nous, mais que cette souffrance ne nous rapproche en aucune façon. P205
Le moindre regard noir, le moindre geste d’impatience, le plus infime soupir étaient un mystère : on ne débusque pas l’homme. On ne peut pas, parce qu’il n’existe pas d’outil pour. Nous sommes seuls. Nous ne pouvons rien les uns pour les autres. Nous sommes condamnés de toutes parts. P353
Et l'essentiel, l'essentiel des gens qui nous sont proches nous est inacessible.
À certains moments, en tirant sur sa cigarette, il lui arrive de ralentir et d’observer les ruines qui l’entourent, comme cet ancien entrepôt à sa droite. C’est un rien, un flottement dans son pas, un instant où son bras se suspend - car ce qui compte nous parle sans mot, dans le souffle, dans le secret de nos cœurs et
dans le détail de ces monstres de métal, couverts de rouille, qui penchent légèrement sur le côté, quelque chose murmure,
quelque chose lui parle. P329
Mais dans l’homme quelque chose de noir appelle à la ruine et veut la voir;
et ce noir de nos pupilles en est la marque -
dans l’homme quelque chose de noir. P204
(…) il y a toujours un autre côté des choses, que si
nous pouvons tendre les uns vers les autres, que si
nous pouvons par moments adhérer les uns aux autres,
il est rare que nous puissions faire plus (…) p379