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Critique de hcdahlem


Un été presque ordinaire

« Les filles avaient des atouts, comme au tarot, et on aurait pu croire que si elles jouaient les bonnes cartes au moment adéquat, il y avait moyen de gagner la partie. Mais aucune d'elles – ni Jo ni sa soeur Céline – n'ont jamais gagné aucune partie. »

Voilà un formidable roman construit comme une tragédie grecque, à la fois formidable analyse de l'âme humaine et thriller implacable. Marian Brunet réussit dès les premières pages, avec une scène-choc, à ferrer son lecteur. Dès lors, il ne lâchera plus cette histoire. Nous sommes près de Cavaillon dans un modeste pavillon où vivent Johanna, dite Jo (15 ans) et sa soeur Céline (16 ans) avec un père maçon et une mère au foyer. Quand Céline annonce qu'elle est enceinte, son père la gifle violemment. D'emblée on comprend que la violence est ici comme une seconde nature, que le bon a choisi de céder la place à la brute et au truand. « Chez eux, se souvient Johanna, une main au cul c'était un truc sympa, une façon d'apprécier la chose, de dire « t'as de l'avenir » – à mi-chemin entre une caresse et une tape sur la croupe d'une jument. »
Ici on tente de suivre des études tout en se disant qu'elles sont faites pour les autres, on attend les estivants pour partager avec eux les vacances faute de pouvoir rêver d'autres horizons. le passe-temps favori, outre boire et fumer, ce sont les bals qui animent les soirées estivales. On y retrouve les voisins, les collègues et on y fait quelquefois des rencontres. « Céline a toujours aimé ça, reine de la fête, adulée des garçons – toutes bandes confondues. Même quand elle était plus jeune, il y avait des coins d'ombre où se laisser glisser contre le corps d'un petit ami, jouer à ne pas aller plus loin mais s'arrêter tout au bord. Eux rêvaient de ses doigts aux ongles roses sur leur petit pénis dressé; elle serrait amoureusement de grosses peluches gagnées à la carabine en espérant des mots d'amour. Et s'il fallait se laisser tâter maladroitement les seins pour obtenir de pauvres Je t'aime balbutiants et autres dérivés sans imagination, elle était prête. » Et voilà comment la jeune fille s'est retrouvée enceinte. Et voilà pourquoi son père n'envisage qu'une solution : qu'elle dise qui est le père et qu'elle l'épouse. Sauf que Céline ne veut rien dire, faisant ainsi monter la tension et laisser fleurir les hypothèses.
Car il faut laver l'affront, trouver le responsable, le faire avouer. Toutes les fréquentations de Céline sont passées au crible. Jo est questionnée et voudrait bien pouvoir aider son père, mais « la vérité, c'est qu'elle n'en sait vraiment rien, de qui a mis sa soeur enceinte. En faisant le compte à rebours, trois mois en arrière, elle voit pas. Difficile de savoir, avec sa soeur. du temps a passé, depuis les tripotages derrière les autos-tamponneuses. Elle est belle, Céline, mais faut pas croire que pour certains, elle est autre chose qu'une pute. »
La colère du père ne va cesser de grandir et, se mêlant d'effluves racistes, va se diriger contre un jeune d'origine maghrébine, cible idéale pour asseoir son besoin de vengeance. Il y a du Dupont-Lajoie dans cet homme-là.
Et à mesure que l'été avance, que la chaleur écrase le Lubéron, que l'on s'amuse en allant plonger dans les piscines des maisons encore inoccupées où en s'incrustant dans les fêtes des nantis, le drame va se nouer.
La chronique sociale se transforme alors brutalement en une tragédie aux rebondissements multiples que Marion Brunet orchestre avec maestria. Voilà sans aucun doute l'un des livres à emporter avec vous pour les vacances!
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