Oui. J`avais envie de mettre en scène ces enfants que j`avais rencontré au cours de ma vie professionnelle, des enfants plein de ressources malgré des vies abîmées déjà très jeunes, et dont on parle peu. Et je voulais le faire sous un angle humoristique, parce que l`humour permet d`aborder des choses essentielles sans pathos, et parce que malgré leur début de vie chaotique, ces enfants ont une énergie incroyable.
Pour moi, ces créatures ne sont pas particulièrement « gentilles » mais ne sont pas ce que l`on attend d`elles. L`idée était de détourner les stéréotypes, ou de jouer avec en utilisant des codes plus modernes. Les ogres deviennent des motards au grand cœur, les sorcières des punks féministes, les loups des philosophes dépressifs – une palette de groupes humains qui m`intéresse.
L`ogre, au début de l`histoire (dans L`ogre au pull vert moutarde) est cependant un personnage menaçant, d`autant qu`il mange principalement les « indésirables », comme le symbole d`une société qui fait disparaître les groupes sociaux qui la dérange . Au fil de l`histoire, on découvre que « le méchant de l`histoire n`est pas celui qu`on croit », et j`aime assez cette idée que le monstre est humain, terriblement humain (en l’occurrence, un directeur de centre cruel et humiliant avec les enfants).
Je réutilise la fonction dévorante des ogres en leur faisant manger les CRS à la fin de L`ogre au pull rose griotte, par ailleurs...
J`ai l`impression d`avoir utilisé les codes du conte pour mieux les détourner, m`en amuser et amuser le lecteur, mais dans une perspective réflexive sur l`humain bien plus que dans une démarche d`écriture « fantastique ».
Je pense que les enfants adorent ça et sont tout à fait capables de réfléchir à ces problématiques, d`autant que je ne les aborde pas de front mais par le biais d`une aventure et avec de l`humour. N`oublions pas que les enfants dont je parle dans le roman vivent ces expériences-là de front et dans la vraie vie...
Je fais confiance aux enfant pour comprendre énormément de choses, et l`idée de les protéger par une orientation de lecture naïve et édulcorée m`agace profondément. L`imaginaire n`empêche pas la réflexion, pas plus que l`humour et l`aventure, au contraire.
Je n`ai pas de « message » définit à faire passer, parce que j`essaie de cultiver le doute et l`interrogation plutôt que les idées figées et exemplaires. Et puis surtout, l`émergence de préoccupations qui vont résonner d`un roman à un autre est aussi une surprise pour moi. Je me rends compte en effet qu`il y a une récurrence dans mes romans de la question du groupe qui fait « famille », du départ et du retour, cet ambivalence du désir d`aventure, de lointain, de prises de risques, en même temps que l`attirance vers un groupe rassurant, familial – qui peut d`ailleurs prendre bien d`autres formes que la famille dite classique (homoparentale dans Frangine, militante dans Dans le désordre, de protection sociale dans L`ogre). Il me semble que c`est une question essentielle quand on grandit : partir, rentrer, devenir grand en quittant le nid mais savoir aussi qu`il existe, qu`il peut être lieu-ressource, en recréer un autre ailleurs...
Concernant la typographie, c`est quelque chose qui s`est réfléchi avec mon éditeur, et qui se retrouve dans tous les romans de la collection Pépix ; il y avait cette idée de départ d`être dans une narration vive et surprenante, et que la forme suive le fond, que tout soit très visuel.
Pour les chansons, j`avais amorcé ça dans L`ogre au pull vert moutarde, quand l`ogre raconte qu`avec ses copains métallos, il chantait en allant au boulot. J`avais utilisé une chanson du groupe Massilia sound system, et mon éditeur m`a dit : « t`aurais presque pu l`inventer toi-même ». ça m`est resté, et dans le deuxième opus j`ai eu envie de créer un hymne à chaque espèce, selon sa personnalité.
Nous n`avions jamais travaillé ensemble, et je n`ai eu que très peu de lien avec lui. Tout passait par l`éditeur. J`ai d`abord écrit, puis Till a illustré à partir de mon texte complet.
En revanche, quand j`ai écrit L`ogre au pull rose griotte, j`avais tellement aimé les dessins de Till pour L`ogre au pull vert moutarde que je visualisais les scènes de mon livre illustrées par lui.
En ce qui concerne les chansons, ma réponse rejoint ce que j`écrivais plus haut, par rapport à la dimension musicale. C`est un choix personnel qui m`a amusé, qui faisait écho au personnage de Janine aussi, vieille dame qui chante tout le temps des chansons
(forcément datées). Je me suis dit que c`était intéressant de jouer avec les titres de chapitres en utilisant des références musicales que la plupart des enfants ne connaissent pas, c`est une forme de transmission, de lien inter-générationnel.
Pour la double lecture, je trouve ça passionnant à mettre en place, parce que les parents vont s`amuser eux aussi en lisant le bouquin à leurs enfants, et les enfants eux-même, s`ils le relisent plus tard, verront des subtilités qui leur ont échappé à la première lecture. C`est comme dans les grands dessins animés Pixar par exemple : les gamins adorent mais les adultes aussi, grâce à la double lecture justement. Ça permet de toucher un public large, et ça me donne l`impression de faire passer des choses « entre les lignes », en contrebande.
Les hymnes par exemple, sont inspirés (très très librement !), pour les loups et les sorcières, de deux chansons très politiques, L`affiche rouge pour les loups, L`hymne du MLF pour les sorcières...
Je viens de terminer l`écriture du troisième opus : L`ogre à poil(s) qui sortira en septembre 2016. Je pense que ce sera le dernier, mais je n`en suis pas certaine. Je ne veux pas faire une série parce que « ça marche », donc si j`ai une nouvelle idée pour un quatrième, pourquoi pas ? Mais rien de sûr.
Dans le désordre, mon prochain roman, sort en janvier dans la collection eXprim` et j`espère qu`il aura un bel accueil...
Et je travaille sur un autre projet, mais pas encore assez abouti pour que j`en parle.
Il y en a tellement !
Enfant, je dirais : Croc-Blanc, de Jack London, L`Ile au trésor, de Robert Louis Stevenson, Les Trois mousquetaires, de Alexandre Dumas, puis Guy de Maupassant, plus tard Louis-Ferdinand Céline, John Fante, Cormac McCarthy, Joyce Carol Oates...
Elle est difficile cette question ! Il y en a plein, et en plus c`est sans fin... on peut dire que ce sont finalement les mêmes que ceux qui m`ont donnée envie d`écrire en fait. C`est la grande ambivalence du rapport qu`on entretient avec ses auteurs préférés... Mais si on se fige là-dessus, on n`écrit plus. Ça m`arrive encore, régulièrement, je rester en arrêt sur une phrase, un chapitre, y compris d`auteurs amis d`ailleurs, et de me dire : « j`aurais aimé écrire ça » ; c`est agaçant et complètement excitant, motivant.
Je pense que c`est Maupassant. J`ai découvert assez jeune, vers 11-12 ans, par des nouvelles, et il n`a jamais cessé de me bouleverser. Nouvelles, romans... quel que soit l`âge auquel je l`ai lu ou relu, j`ai toujours été stupéfaite par son talent et sa lecture sociale, humaine, profondément avant-gardiste pour l`époque ; il a cette finesse de dénoncer beaucoup de choses « sans y toucher », en passant par une histoire humaine, sans discours. C`est un auteur d`une immense délicatesse, dans le fond et dans la forme.
Les Trois mousquetaires. Lecture quasi-thérapeutique ! A chaque période difficile de ma vie, me replonger dans leurs aventures m`a « sauvée ».
Le bruit et la fureur, de William Faulkner (en grattant un peu je dois pouvoir en trouver d`autres, mais on va limiter ma honte à un seul titre !)
L`Agneau carnivore, d`Agustin Gomez-Arcos (enfin ça dépend de l`âge qu`ils ont, c`est pas du tout pour enfants)
Je ne sais pas. Il y a des classiques qui m`ont ennuyée quand j`étais ado bien sûr, comme tout le monde, mais peut-être que si je les relisais aujourd`hui, je les trouverais merveilleux. Marcel Proust par exemple, je n`y arrive toujours pas, il m`ennuie profondément... mais j`ai l`intuition qu`un jour, je serais « prête » à lire Proust, qu`il y a des moments de vie où on a accès à certains romans, et pas d`autres.
Non, plein (trop pour les citer toutes).
Le Diable, tout le temps, de Donald Ray Pollock. Je lis beaucoup de romans noirs en ce moment.
Au son des revolvers, la poussière se lève, les chevaux se dressent et les verres de whisky disparaissent aussi vite qu'ils se remplissent. Un vent de western souffle sous la plume grisante de Marion Brunet avec "Sans foi ni loi"... Roman d'apprentissage par excellence, celui-ci démarre sur les chapeaux de roue avec le kidnapping de Garett un ado introverti, enlevé par Ab Stenson, célèbre hors-la-loi. Il pourrait s'agir d'un western tout à fait ordinaire si ce n'est qu'Ab Stenson est le diminutif de...Abigail ! Bigre, une femme en pantalon qui sait manier le fusil et l'art du braquage, ça ne court pas les rues ! Garett retrouvera-t-il le chemin de la ferme familiale ? Encore faut-il en avoir envie... Allez, on sort les santiags pour une chevauchée à l'accent féministe ! => Article à découvrir sur le blog book'n'ook. => Lien blog : https://bookncook.over-blog.com/2021/07/book-n-furious-sans-foi-ni-loi-marion-brunet.html
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