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Critique de Rickola


* Cette critique concerne les tomes 1 et 2 *

Avant de commencer, resituons un peu le titre. Shy est la première série de Bukimi Miki, prépubliée depuis 2019 dans le Shonen Champion de Akita Shoten, magazine qui n'a pas l'aura des poids lourds du genre mais dans lequel a notamment été prépublié un certain Prisonnier Riku (ainsi que Beastars). Un magazine qui est donc plutôt intéressant et qui a su dénicher des perles. du côté de Shy, le titre se porte bien et va déjà voir son 7e tome arriver au Japon, alors que les deux premiers sont sortis conjointement en France chez Kana. L'éditeur semble beaucoup croire en ce titre, le mettant pas mal en avant notamment via un coffret collector pour le lancement.

Et après lecture des deux premiers tomes, je serai tenté de dire que l'éditeur a raison de croire dans ce titre. En effet, il y a un certain nombre d'éléments qui lui donnent à la fois un potentiel commercial certain, mais aussi un vrai intérêt narratif et artistique. Car si le titre reprend un certain nombre de codes assez classiques du nekketsu et du récit super héroïque, il se propose aussi dans le même temps de prendre de la hauteur par rapport aux-dits codes, afin de tracer sa propre voie, et développer un discours assez pertinent sur plusieurs thématiques. Voyons tout cela dans l'ordre !

Des codes classiques…
Tout d'abord, concernant les codes classiques abordés, il est en effet difficile de nier le fait qu'on soit en terrain relativement connu avec cette adolescente normale qui a en réalité une double identité, étant Shy, la super-héroïne du Japon. Car dans cet univers, chaque pays a son super-héros, que ce soit la Russie avec son héroïne portée sur la vodka, l'Angleterre et son héros rock star un brin sociopathe, etc… Des personnages hauts en couleurs dont plusieurs nous sont déjà présentés avec une certaine densité dans ces deux premiers tomes, et qui risquent d'être un des points forts du titre. Et s'ils sont pour le moment esquissés rapidement, ils n'en restent pas moins intéressants chacun à leur manière, quand bien même ils sont très ancrés dans le genre.

De même, Shy, jeune héroïne très timide (d'où son nom), semble encore être en apprentissage, et assez peu à son aise avec son rôle d'héroïne, chose encore une fois assez classique. Et le fait qu'elle se confronte à ses carences en tant qu'héroïne, qu'elle se remette en question vis-à-vis de son rôle de modèle pour les gens est encore une fois un thème ultra classique du genre super héroïque, que ce soit en manga avec My Hero Academia, dans les comics ou les films de super héros, les exemples sont légions et ce n'est donc pas forcément sur ce point que Shy va tirer son épingle du jeu.

Et le développement de l'héroïne et la nécessité de suivre un entrainement à la dure, ainsi que la force de sa volonté qui permettent de surmonter les premiers obstacles contribuent encore une fois au classicisme de la formule globale. Mais on ne le dira jamais assez, le classicisme n'est pas un défaut tant que c'est maîtrisé, et c'est fort heureusement le cas ici. Les éléments importants de ce genre de récit sont traités avec soin, en particulier le personnage de Shy. On se prend vite d'empathie pour elle, créant un attachement vis-à-vis du personnage qui permet de ressentir des choses, et de bien percevoir les valeurs morales dont elle est porteuse. Les premiers antagonismes mis en avant ainsi qu'un début de caractérisation d'univers sont suffisamment efficaces pour qu'on ait envie de poursuivre. Et les quelques péripéties sont très bien menées. Pour dire les choses simplement, ça se lit tout seul, et on est content d'avoir d'emblée deux tomes pour ne pas trop rester sur notre faim.

Enfin, l'esthétique est également à l'avenant. Si la mangaka n'a pas un style des plus reconnaissables et personnels, il est indéniable que tout est efficace ici, que ce soit le character design global qui arrive à donner à chaque héros un look bien spécifique, ou le découpage global qui met bien en valeur l'action par son dynamisme et sa lisibilité. Sans être incroyablement virtuose, c'est vraiment du bon travail !

Mais là où le titre a une carte à jouer, c'est dans son travail sur son héroïne et sur les valeurs morales transmises. Si on reste dans les codes du genre aussi sur ce point, j'ai le sentiment que la mangaka a déjà mis en place quelques éléments pour prendre un peu de hauteur par rapport à tout cela. Évidemment, ce sera à confirmer dans les tomes suivants, mais ces deux premiers volumes portent déjà en germe des choses intéressantes.

… avec une pointe d'originalité
Les quelques éléments originaux du manga viennent surtout du personnage de Shy, et de la façon d'utiliser les pouvoirs dans cet univers. En effet, les héros ont la capacité de se transformer via la volonté qui est dans leur coeur, qui grâce à des bracelets aux poignets, déclenche les pouvoirs et la transformation. Ensuite, chaque héros est doté d'aptitudes propres, et on commence à découvrir celle de Shy dans ces deux premiers tomes. L'idée de pouvoirs liés à la force de la volonté et du coeur n'est pas nouvelle en soi, mais rendre cet aspect central contribue au discours du manga, centré sur l'altruisme, l'empathie et le soucis de l'autre.

Sur ce point, un élément loin d'être anodin et qui m'a fait très plaisir vient du premier affrontement mis en scène. Shy se retrouve face à une camarade dont le coeur est rongé par la haine, ce qui fait que cette dernière commence à se transformer. Et je ne sais pas pour vous, mais un point avec lequel j'ai parfois du mal dans le nekketsu classique vient du fait de résoudre toute forme de conflit par un pétage de gueule des familles. Comme si la violence était la seule solution face à la violence. Or, dans ce premier affrontement, Shy va résoudre le conflit d'une façon opposée, via la bienveillance, l'empathie et la compréhension de l'autre.

Et ça m'a fait grandement plaisir ! le soucis par contre c'est que dès le second tome, les conflits mis en place font bien plus nekketsu classique. J'espère de ce fait que la mangaka trouvera un équilibre entre l'impératif de bagarre et ce côté « caring » qui me parle bien avec le personnage de Shy.

De même, le fait que le personnage principal soit une jeune fille est plutôt rafraîchissant. Je ne doute pas qu'on puisse trouver des exemples de nekketsu avec un personnage principal féminin, mais c'est quand même plus l'exception que la norme. Or, on associe certains traits de caractère à la féminité (à tort selon moi, c'est surtout une question d'éducation genrée que de réelle disposition féminine ou masculine), comme l'empathie, qui sont au centre du récit ici, et qui sont je pense liés au fait de présenter une héroïne. de plus, proposer un modèle d'identification féminin dans un genre qui en manque bien souvent est un point vraiment positif pour les lecteurs et lectrices, et je pense d'ailleurs que la mangaka a fait ce choix pour s'adresser aux deux sexes. C'est d'autant plus évident qu'on a droit à cette réplique de la bouche de Shy : « Quand on aime quelque chose, le sentiment est toujours le même ! le fait que l'on soit une fille ou un garçon importe peu ! ».

Et pour moi, tout ceci n'est pas anodin et constitue le coeur du titre. Évidemment, ce n'est pas en deux tomes que l'on peut savoir où la mangaka va mener tout ceci, mais je pense que c'est l'élément qui pourrait aider la série à se démarquer. Car si elle sait se rendre efficace dans son storytelling et sa mise en scène, elle arrive surtout à être très attachante par sa volonté évidente de dépasser certains codes classiques afin de proposer un récit qui mette en avant l'ambiguïté de la figure héroïque dans son rapport aux conflits qui se résolvent systématiquement dans la violence.

En conclusion
De ce fait, si Bukimi Miki arrive à développer comme il se doit par la suite les éléments très intéressants mis en place, en conciliant les impératifs du genre avec ses modèles comportementaux, elle a de bonnes chances de réussir à rendre sa série vraiment passionnante. Comme toujours, ce n'est pas sur deux tomes que l'on peut juger la réussite d'une oeuvre fleuve comme celle-ci, mais ce qui est certain, c'est que les bases posées sont de qualité.

En proposant une histoire qui entre dans des schémas classiques qui ont fait leur preuves tout en cherchant à réfléchir sur ces schémas pour prendre un peu de hauteur, la mangaka offre à sa série un début très convainquant. Si l'empathie et le soucis de l'autre sont globalement des valeurs que l'on retrouve souvent dans le nekketsu, Shy propose une vision déjà assez personnelle de la question, assumant pleinement sa volonté de mettre en scène une figure d'identification féminine porteuse de sens et de valeurs positives. Et rien que pour ça, ce début de série est vraiment attachant.

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