AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LaSalamandreNumerique


Bon, je vais détonner. Tant pis, j'assume (sans complexe, un point commun avec l'auteur) l'évaluation globale que je donne à ce livre et qui est mauvaise.
*
Pourtant cela débutait bien entre nous. J'ai découvert cet auteur sur Babelio et ce que j'en ai lu ici m'a beaucoup amusé. Je déteste le « politiquement correct », j'ai adoré ensuite regarder Bukowski à Apostrophe (Magique de liberté, entre autre, et le merveilleux « Il a apporté lui-même ses bouteilles » de Pivot est un savoureux pied de nez à toute émission à prétention littéraire, aux bavardages creux…). Je dois avouer aimer les femmes, y compris sensuellement (C'est un « crime » qui n'est pas si rare chez les hommes), comprends très bien qui désire multiplier les rencontres, y compris physiques, ne critique/juge pas qui désire des partenaires jeunes tout en étant vieillissant, ne vois rien de criminel dans les choix de vie de Bukowski, ni même de répréhensible. J'ai pu boire trop un bref temps, écoeuré avant tout par ce qui m'entourait… le feuilleton « Californication » qui est directement inspiré par Bukowski m'a fait rire à de nombreuses reprises et parfois ému… Bref nous aurions vraiment dû nous entendre.
Mais non. Chinasky, le héros du « roman » et « Bulowsky lui-même » comme le précise aimablement la quatrième de couverture à tout lecteur demeuré, est un poète génial même si ivre tout le temps. Il déteste être sans cesse ennuyé par des auteurs sans talent (Cela se comprend), il finance pour partie sa vie en allant faire, ivre car c'est plus supportable en plus d'être dans son essence, des conférences sur ses oeuvres, ce qui l'ennuie (Cela se comprend) mais en profite aussi fréquemment pour se trouver de nouvelles partenaires. Il les préfère jeunes et belles (Cela se comprend). Vu qu'il a 60 ans et passe l'essentiel de sa vie ivre il peine en général à jouir le soir (cela se comprend) et, s'il abuse trop de l'alcool il peut avoir des soucis de bandaison qui font qu'une de ses partenaires l'appelle « cher vieux vermicelle trop cuit » (Cela se comprend). Il est en général un peu plus performant le matin et, là aussi, cela se comprend. Lorsqu'il lui reste un peu de temps il va jouer aux courses… Lorsqu'une de ses femmes part (cela se comprend) il s'empresse d'en trouver une autre (logique), il n'a pas grand mal à y parvenir vu sa réputation (cela ne surprendra pas qui a un peu de vécu) mais, même lorsqu'il a une femme avec lui il résiste difficilement à l'attrait d'autres propositions (là aussi la tentation se comprend).
J'écris trop souvent « Cela se comprend » dans mon paragraphe précédent ? C'est lassant ? Oui, je vous comprends, et, plus sérieusement, c'est ce que j'ai ressenti en lisant ce livre. Scènes de sexe répétitives, abus de mots identiques « Enfourcher », « Vicieusement »…. pour des pratiques sans aucune inspiration avec des femmes interchangeables ; réduites largement à un vagin et à l'opportunité de s'en servir. Et nous profitons de temps à autre de réflexions incroyablement profondes sur le fait que cet homme se juge parfois sévèrement ou, sidérant, qu'un baiser a quelque chose de plus intime qu'un coït. Cette découverte peut se comprendre à 16 ans mais lire une personne de 60 ans nous assener de tels propos a quelque chose d'embarrassant pour lui.
*
« Women » n'est pas le bon titre car, si ces femmes sont sans doute très différentes, elles se résument ici au final à un sexe et au temps qu'elles acceptent de passer avec ce type invivable. le reste de leurs personnalités est occulté. N'en déplaise aux féministes primaires ce livre ne mérite pas plus de s'appeler « Men » car Bukowski, tel que décrit ici du moins, est plus une caricature qu'autre chose. Non, ce livre devrait s'appeler « Charles Bukowski » et c'est d'ailleurs le cas dans « mon » édition (ISBN 9782253033974) puisque c'est la seule chose qui apparaît nettement sur la première de couverture, le titre de l'ouvrage étant presque difficile à remarquer de prime abord.
*
Le poète maudit, l'alcoolique par dégoût de ce monde…. Tout cela fait tellement « cliché » et si adolescent ! Et le reste est si animal, si pauvre, si triste, si creux ! Alors à qui le conseiller ? Je l'offrirais possiblement à ma fille lorsqu'elle aura 16 ans car, si caricatural et excessif qu'il soit, il peut servir de mise en garde rapide. Un adolescent pourrait trouver un certain charme en découvrant les scènes de sexe même si elles sont, au final, bien peu érotiques et décrites sans aucune inspiration, avec un vocabulaire pauvre et un style insipide. Ce livre pouvait aussi plaire lorsqu'il est paru, en 1978, comme une jouissive réaction par rapport à une Amérique puritaine encore prégnante (et qui n'a pas disparue). L'offrir à quelques amies féministes comme « les deux minutes de la haine » de « 1984 » serait drôle et Huxley « conseillait » les sentiments forts dans « le meilleur des mondes ». Un sociologue ou un psy y trouvera possiblement de quoi alimenter une vague curiosité.
En revanche je ne proposerai pas cet ouvrage à un adulte (peu importe son sexe), ayant un peu vécu et qui désire passer un moment de lecture enrichissant. Il s'ennuiera. Et si vous vous intéressez à ces hommes qui semblent « collectionner » les femmes, à leurs mobiles, à ce qui les meut vraiment lisez « l'« insoutenable légèreté de l'être » par exemple, la plume est incomparable et le contenu est tellement plus instructif ! Ou regardez « L'homme qui aimait les femmes".
*
Merci à Bukowski pour cette forme, somme toute courageuse, d'autobiographie. Mais quelle triste existence au final ! Un début de vie difficile ne semble jamais surmonté et la célébrité ne guérit ni les failles ni les douleurs, l'amenant au contraire à en causer d'autres autour de lui. Je comprends très littéralement l'épitaphe de sa tombe : « Don't try ». Oui, ce n'est pas une vie à essayer, voilà sans doute ce qui pouvait nous être dit ici de plus important. Désolant, mais lucide et sans fard.
Commenter  J’apprécie          223



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}