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Critique de Presence


Il s'agit d'un récit complet indépendant de tout autre, initialement paru en 4 parties en 2004. le scénario est de Kurt Busiek, les dessins et la mise en couleurs de Stuart Immonen.

L'histoire commence en 1990 pour l'anniversaire de Clark Kent. Une fois de plus, une partie de la famille a trouvé approprié de lui offrir un comics de Superman (quand ce n'est pas des figurines de ce superhéros). Une fois de plus, il éprouve une forme de lassitude et de dépit à l'idée que ses parents (Laura & David) aient pu trouver intelligent de le prénommer Clark, comme Superman. Alors qu'il se rend en cours au lycée de sa ville (Picketsville, dans l'Arkansas, assez similaire à Smallville), il se fait charrier par un groupe de camarades de classe sur son manque de superpouvoirs. Peu de temps après, il se détend en faisant une excursion dans la nature environnante, et en passant une nuit à la belle étoile.

Il a la surprise de s'éveiller en plein ciel, au dessus de son bivouac. Il a des superpouvoirs. du coup, il devient une victime moins facile pour ses camarades (même s'il dissimule la vérité sur sa découverte). Il demande ingénument à sa mère s'il a été adopté, en estimant qu'il ne peut pas vraiment se fier à sa réponse négative. Il utilise ses pouvoirs ne manière à ne pas se faire voir, pour profiter de la solitude et de la beauté d'espaces naturels inviolés, et pour porter secours (sans se faire voir) à des individus victimes de catastrophes naturelles, ou lors d'accidents (avions en détresse par exemple)... jusqu'à ce que quelqu'un prenne une photographie flou d'un point dans le ciel, et que Wendy Case (une journaliste) relie cette apparition à des sauvetages miraculeux et providentiels dans la région.

L'équipe de créateurs de cette histoire est alléchante. Kurt Busiek auteur de comics de superhéros inoubliables (comme Marvels avec Alex Ross, pour Marvel Comics), capables de se servir du genre superhéros pour écrire des histoires sur tous les thèmes possibles comme il l'a prouvé avec sa propre série "Astro City" (Des ailes de plomb). Stuart Immonen dessinateur de premier plan de comics de superhéros comme les X-Men (All New X-Men avec Brian Michael Bendis), ou de comics plus personnel avec sa femme Kathryn (par exemple Clair-obscur).

Dans son introduction, Kurt Busiek explique qu'il est parti de l'idée d'une ancienne histoire de Superboy d'une terre alternative et qu'il s'agissait d'un projet qui lui tenait à coeur depuis plus de 15 ans, mais que le résultat est assez éloigné de son idée de départ. Il ajoute qu'il a souhaité à nouveau prouver que la métaphore du superhéros peut s'appliquer à plusieurs sujets. Il remercie profusément Immonen pour son apport déterminant.

Au cours du premier chapitre, le lecteur éprouve une terrible sensation de déjà lu, en particulier une version plus naturaliste (et moins intéressante à la fois sur le plan graphique et sur le plan narratif) de Les saisons de Superman (1998) de Jeph Loeb et Tim Sale. Ce Clark Kent d'une terre alternative découvre qu'il a les superpouvoirs de Superman et se demande qu'en faire. le point de départ déconcertant s'efface devant une énième redite de la phase de découverte des pouvoirs et de recherche de leur utilisation.

Certes le point de départ est un peu différent : il n'y a aucun autre individu doté de superpouvoirs, il n'est pas question d'une lointaine planète Krypton, la journaliste s'appelle Wendy Case (et pas Lois) et les parents de Clark ne se prénomment pas Martha et Jonathan. Mais pour le reste, Busiek développe le même parcours que Loeb, avec une sensibilité très proche. L'approche esthétique d'Immonen diffère fortement de celle de Tim Sale. Il a choisi un style plus réaliste à la fois dans la manière de représenter les personnages et dans les couleurs. Immonen réalise des dessins très aboutis, qu'il a ensuite complété par ordinateur pour les couleurs et les aplats de noir. du coup certaines surfaces font penser aux rendus des crayonnés de Gene Colan lorsqu'ils étaient reproduits sans encrage à la fin de sa carrière. Cela donne l'apparence d'un ombrage nuancé, très sophistiqué, avec une texture inégalable.

Le scénario de Busiek privilégie les scènes de la vie ordinaire, dans lesquels Immonen fait preuve d'une justesse étonnante. Il dessine chaque personnage de manière réaliste, mesurée, tout en étant expressive. Il conçoit des mises en scène sophistiquées qui évitent les cases composées uniquement d'une tête en train de parler avec son phylactère afférent, pour des mouvements de caméra incluant les personnages, les gestes qu'ils accomplissent et leur environnement. Pour ces derniers, Immonen inclut les décors dans plus de 80% des cases, sans les surcharger. Il utilise avec une grande discrétion l'infographie pour inclure des éléments réels dans les arrière-plans, avec parcimonie pour ne pas donner l'impression d'un roman-photo, juste une touche de ci de là pour accentuer le naturalisme. Il le fait avec un tel doigté que le lecteur le plus observateur aura bien du mal à distinguer ce qui relève de l'intégration d'une photographie, de ce qui a été dessiné à la main. Il utilise le même style pour les scènes impliquant Superman, prolongeant ainsi l'effet de normalité lors de ces scènes.

... parce qu'il y a bien un Superman. Ce Clark Kent a décidé que la couverture la plus efficace serait encore de s'habiller comme le Superman des comics, pour mieux brouiller les pistes, et mieux entretenir l'idée que les rares fois où quelqu'un le voit, il s'agit d'un canular. Il n'est pas possible d'en dire plus sur le scénario sans gâcher la découverte du récit.

Busiek a construit une histoire qui repose sur le monologue intérieur de Clark Kent, la manière dont il gère ses capacités particulières, la façon dont il avance dans la vie, ses relations avec les autres (y compris une certaine Lois... Chaudhari). Il a pris soin d'éclaircir les 2 ou 3 points délicats relatifs aux pouvoirs de Kent (la possibilité des prises de sang, ou le fait que ces pouvoirs soient identiques à ceux de Superman). Il joue sur la mise en abyme que constituent les références au Superman des Comics (références aux noms des personnages comme Lana Lang ou Jimmy Olsen), mais sans en abuser, sans que cela ne devienne la composante principale du récit qui aurait alors versé dans la parodie.

Non, Busiek se contente de raconter la vie d'un jeune homme bien dans sa tête qui a la surprise de découvrir qu'il possède des capacités incroyables. Il le raconte très bien d'ailleurs : les objectifs et les doutes, les joies et les angoisses de ce Clark Kent ont une portée universelle dans laquelle il est facile de se reconnaître, de se comparer. Busiek a simplement écrit une histoire touchante, intelligente, sensible et parlant de la condition d'être humain, un bon roman en somme.

Kurt Busiek et Stuart Immonen racontent l'histoire de Clark Kent qui n'est pas LE Superman, mais qui découvre qu'il a des superpouvoirs similaires dans un monde dépourvu de superhéros et de supercriminels. le premier quart parcourt un chemin souvent lu : Clark Kent s'interroge sur ce qu'il souhaite faire de ces dons, comme un adolescent en passe de devenir adulte cherche sa voie et sa place dans le monde. La suite montre que Busiek n'a rien perdu de sa capacité à utiliser les conventions du genre superhéros pour raconter l'histoire qui l'intéresse, celle d'un jeune homme plausible, sympathique et auquel il est facile de s'identifier, avec des dessins toujours intéressants, même dans les moments les plus banals.
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