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Critique de Takalirsa


C'est en préparant la nouvelle sélection consacrée à l'hôpital psychiatrique que je suis retombée sur ce vieux best-seller des années 80. J'ai trouvé à la médiathèque municipale un exemplaire France Loisirs que je crois bien avoir lu pendant mon adolescence, mes parents y ayant longtemps été abonnés. Séquence nostalgie, donc !

Ce qui fait la particularité de ce roman, c'est son style qui adopte le langage malhabile d'un enfant, mêlant les erreurs syntaxiques et les expressions empruntées aux adultes (« pour ne rien vous cacher »). Surtout, l'auteur nous place littéralement dans la pensée du petit Gil(bert) afin de mieux nous faire comprendre son raisonnement, sa logique enfantine. Car elle semble bien confuse son attitude… Qu'a-t-il bien pu faire à sa camarade Jessica pour se retrouver interné ? le récit alterne le présent à la Résidence Home d'Enfants les Pâquerettes, où le Dr Nevele tente, sans succès, de faire parler le garçonnet, aux événements passés qui l'ont mené là.

Certains passages sont un peu longuets et par certains aspects le texte fait daté (les nombreuses références à Zorro, le héros préféré de Gil, même si la série est régulièrement rediffusée ; sa façon de désigner les personnes noires par « gens de couleur » ; son côté offusqué quand il voit des « dames en pantalon »…). Mais le fond du propos est atemporel : ce dont traite essentiellement l'oeuvre, selon moi, ce sont les traumatismes de l'enfance.

Si Gil a parfois des réactions ou des répliques étranges, c'est qu'il a vécu tout petit (vers 5 ans, donc) des épisodes qui l'ont choqué : des informations violentes entendues au journal télévisé (« J'avais quelque chose de cassé à l'intérieur ») ; des soirs où il a dû se coucher tout seul dans le noir (« J'ai peur d'aller me coucher pasqu'y a des monstres dans mon placard. Je ferme la porte. Plus de fois on la pousse, plus elle est fermée. Avant de me coucher, je pousse la porte de mon placard cinquante fois ») ; des films qui lui ont donné des cauchemars (« C'était un film avec une espèce de cave où on vous torture, y a un homme affreux avec un capuchon et un masque tout noirs et c'est un docteur comme le Dr Nevele ») ; ou encore les fausses alertes aériennes à l'école (« J'avais très peur pasque je croyais que c'était dangereux. J'ai cru que c'était une vraie. Je trouve que ce n'est pas bien de faire peur comme ça à des enfants »). Sans oublier la fois où son père l'a jeté de force dans le lac pour lui apprendre à nager… provoquant une peur panique de l'eau. Autant de bourdes éducatives de parents négligents, voire brutaux, qui rendent le petit garçon très touchant au final.

La petite Jessica aussi cache une grande sensibilité derrière ses propos arrogants. Elle partage avec Gil une imagination foisonnante et ils aiment tous deux jouer à « faire semblant ». Un jeu qui va mal tourner tant les deux enfants sont excédés par l'incompréhension des adultes (« On dirait que vous avez jamais eu leur âge ») et surtout les mensonges qu'ils décèlent peu à peu. La fin est triste (« Je ne veux plus être petite » dit Jessica, touchée par un drame personnel) car l'on sent les enfants désabusés, incompris par ces adultes qui malmènent leurs rêves et s'offusquent ensuite que, reniant leur âge, ils imitent leurs comportements…
C'est un roman que j'ai trouvé d'abord déstabilisant, puis au fil de la lecture, de plus en plus bouleversant. C'est un roman qui fait réfléchir sur l'enfance, la perception du monde par les petits, et la nécessité de préserver au maximum leur imaginaire à la fois foisonnant et protecteur. Et ça, ça n'a pas d'âge.
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