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Critique de Soukiang


Passer par toutes les étapes de l'émotion humaine dans un roman, c'est prendre la mesure de chaque personnage, trouver son rythme de croisière, dans cette aventure pleine de surprises et de rebondissements, ne pas se fier aux 670 pages qui se laissent happer à la vitesse de 24 images par seconde ou presque, comme l'envie irrépressible de connaître le point final de cette mission d'une vie, cette fin qui risque de mettre tout le monde sur le carreau et le lecteur en premier, le plaisir d'avancer dans l'intrigue en a été démultiplié au fil des pages, comme un écheveau tissé dans la toile complexe des relations humaines, Silences glacials s'imposent comme une belle révélation, une plume addictive qui surpasse le statut de thriller pour embrasser d'autres genres avec le même bonheur et toujours dans cette délicate transition d'une construction harmonieuse.

Un récit énigmatique pour laisser toute latitude aux champs de tous les possibles, sans édulcorer ni la narration qui suit des chemins détournés pour mieux coller au fil rouge d'une disparition mystérieuse, ni la quête d'un amour impossible, cette recherche de la vérité servira de cobaye à tous les personnages semblant cacher des secrets, une plume généreuse pour intégrer et alterner des points de vue, on reproche souvent dans les romans à multiples personnages un manque de présentation initiale pour savoir qui est qui et qui fait quoi avec le risque d'embrouiller, rien de tout ça pour ce roman qui se déroule dans une base en Terre d'Adélie, Antarctique, il y est question de nombreux membres d'un commandos d'élite de l'Arméee française et de scientifiques missionnés pour des raisons diverses, chacun étant spécialisé qui dans un grade dévolue qui dans une matière liée à la recherche, tout a été pensé dans les moindres détails, l'auteure a déjà préparé le terrain glissant et menaçant, pour amorcer un compte à rebours meurtrier et sanglant ...

Inévitablement, j'ai pensé à certains films ou séries fantastiques, pour maintenir et laisser la liberté aux lecteurs tout le champ libre je me garderai de citer des titres pour ne pas influer ni influencer, pour l'atmophère pesante du huis-clos et de cette force inconnue en gestation, la plume fait preuve d'un pouvoir d'attraction ou d'absorption, à l'instar de Boréal de Sonja Deljongle, on retrouve toutes les composantes d'une trame étouffante pour la survie en milieu hostile, le danger imminent qui guette chaque geste et chaque pas, le labyrinthe obscur et clignotant des lumières vacillantes participent à cette ambiance claustrophobe, les tensions qui peuvent naître entre des personnages aux ambitions différentes ou dans la confusion des sentiments, sans le savoir encore, certains vont devoir puiser dans des réserves ou faire appel à tout leur courage pour trouver leur place dans cet espace qui prend alors des allures de terrains mortels.

Les courts chapitres propulsent l'action vers un rythme permanent, pas le temps de s'ennuyer, l'auteur évite d'utiliser la fin des chapitres pour annoncer qui un twist qui un rebondissement dans le viseur, il faut donc suivre la cadence qui alterne frénésie du moment et cette improbable romance, ce qui aurait pu paraître incongru dans un thriller va se révéler plutôt bien incorporé dans l'histoire, comme le bon dosage qui doit trouver un compromis sans piétiner les plates-bandes du thriller et réciproquement, un exercice délicat dont l'auteure a su éviter les pièges d'en dévoiler trop pour devoir l'imposer au lecteur, comme le train en marche, pour peu que vous soyez prêt à assimiler plusieurs genres, s'adapter en toute circonstance comme tous les personnages loin de leur terre patrie, vous pourriez être plus qu'agréablement surpris, une psychologie qui prend le temps de disséquer chacun dans leur tourment ou leurs états d'âme, toutes les couches superposées ne seront de trop pour comprendre les tenants et aboutissants, l'intrigue se dévoilant progressivement pour donner naissance à des fils secondaires, le style dénote ce sentiment d'urgence qui commence à prendre la dimension d'une vertigineuse mission à haut risque.

Le poids des décisions, le passé qui refait surface, une fois de plus les apparences trompeuses vont révéler des faces cachées, dans une relation humaine, toutes les certitudes peuvent voler en éclats, quand la surprise laisse la place à la vérité sous-jacente, le miroir de l'humain se fissure dans une spirale de sentiments mêlés et contrariés, traverser des zones de turbulence n'est pas de tout repos, l'impuissance à comprendre ce qui est en train de se généraliser dans ce complexe isolé et ouvert à tous les vents, il n'en faut pas plus pour éprouver une forme de compassion à l'égard de certains personnages qui convoitent des désirs enfouis et secrets, jusqu'où est-on prêt à aller par amour ou par loyauté ?
Des réponses qui s'égrènent dans le coeur des protagonistes, sous la menace insidieuse et insaisissable, comme une chape de plomb omnisciente, une atmosphère qui est ressentie dans la peur primale la plus profonde, faire appel à ses instincts de guerrier, c'est l'appel silencieux qui crie et personne semble encore évaluer tout ce qui est en jeu, dans cette angoisse pernicieuse, l'effet contagieux menace de faire s'écrouler toute la base entière.

Cette touche ambivalente à l'orée de plusieurs genres qui se mixent pour explorer plus avant certains pans non dénués d'intérêts comme la psychologie fouillée des personnages ou des pistes scientifiques, des questions fondamentales mettront les nefs à rude épreuve pour repousser les limites de la recherche, l'éthique scientifique comme celle des soldats entraînés à remplir leur mission, suivant leur idéologie qu'ils ont dû intégrer de force, il est toujours captivant d'explorer ces terres inconnues pour mettre au diapason tout l'art désigné pour concrétiser leur projet commun ou répondant à des ordres souterrains, s'il y a une chose de sûr dans Silences glacials, c'est que l'auteure prend un malin plaisir à dénouer des connexions pour proposer d'autres équations complexes, le lecteur participe de ce fait à prendre la place de certains personnages qui doivent alors interagir pour nourrir le feu de l'action et de la survie.

Comme un seul homme, comme une forme inquiétante qui gangrène toute la zone, le risque de sombrer dans les limbes de l'oubli éternel tient à un fil, l'émotion n'est pas en reste pour en ressentir tous les effets salvateurs, en lévitation ou en perdition, j'ai adoré m'égarer dans les prismes d'une réalité déformée, entre illusion et rêve, ce mince espoir qui habite chacun de nous pour dessiner notre destinée dans toutes les configurations possibles, entre la jalousie qui peut ronger l'âme et le poids des mensonges, il est des moments de crises existentielles difficiles à porter, il suffit d'une étincelle parfois pour croiser le feu de l'ennemi avec tous les risques et les conséquences en aval, prendre le temps de peser chaque décision qui peut revêtir l'armure d'une vengeance terrible et sans retour.

Surfant sur plusieurs tableaux, Silences glacials méritent le titre de roman qui tient toutes ses promesses, chaque personnage est suffisamment fouillée pour arriver à en éprouver une empathie croissante, au fil des pages, l'heure tourne et le danger jamais loin, l'urgence est décrétée dans l'ordre irrationnel des choses qui grattent à la surface réfléchissante, méfiez-vous des apparences, vous voilà prévenus et tendez bien l'oreille, il se pourrait que vous finirez par entendre ces bruits, ces silences glacials, à tout instant ...

Edité chez Nouvelles Plumes, sous l'égide de France Loisirs, une très belle découverte pour une histoire tout simplement addictive, Gwendoline Cachia est une révélation et l'émergence d'un style accrocheur et prometteur, à suivre dans son prochain roman pour confirmer son entrée dans le cercle des meilleures plumes littéraires.

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