AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CeCedille


On voit, aux États-Unis, un milliardaire républicain devenu démocrate défier à coups de publicités ruineuses le Président en titre, milliardaire démocrate devenu républicain. Michael Bloomberg n'aura pas réussi, au bout du compte, à devenir le "challenger" de Donald Trump, mais le citoyen a l'impression qu'une élection, dans ce pays, comme dans d'autres, peut-être achetée plutôt que gagnée. On se souvient, en France, du système Dassault d'achat des votes. La plupart des partis français font l'objet d'investigations judiciaires pour financement illégal. Existe-t-il d'ailleurs un pays qui y échappe ? C'est dire si l'argent, qui fait le prix, au sens économique du terme, de la démocratie, importe pour garantir son authenticité.
C'est dire l'intérêt du livre de Julia Cagé, désormais disponible en édition de poche, avec une intéressante préface actualisant son propos à l'été 2019. Son propos est assez simple au total : l'agent a un impact direct sur les chances d'être élu : l'élection se joue "à qui paie gagne". Mais les inégalités sont aussi dans les mécanismes de financement des partis. Même lorsque les États ont limité les dépenses par la loi, l'examen attentif des méandres des législations montre que les systèmes de réductions fiscales favorisent les plus riches qui se font rembourser la plus grande partie de leurs dons par les déductions d'impôt et donc par le financement de tous, y compris les moins favorisés qui en sont de leur poche. La démonstration, appuyée sur une riche base de données historiques et géographiques, accessible aussi en ligne, est implacable.  Tout est passé en revue méthodiquement : le financement des campagnes électorales, celui des partis, l'emprise sur les médias. L'argent reste roi, mais caché. Et il apparaît que les partis de droite en reçoivent davantage que les partis de gauche, partout où porte l'étude.
Au diagnostic succèdent les propositions, soigneusement argumentées : il faut plafonner les dons, transformer les réductions accordées aux contribuables imposables en crédits d'impôt, ouverts à tous. La proposition la plus innovante, mais aussi la plus complexe, est celle des « bons pour l'égalité démocratique » (BED). Un peu à l'image de la République fédérale d'Allemagne, qui permet ainsi de financer les cultes, Julia Cagé imagine un système permettant à chaque contribuable, lors de sa déclaration d'impôt annuelle, de choisir un parti auquel le Trésor public versera une certaine somme. Un substitut à l'idée, soutenue par un éphémère ministre de la Justice, et aussitôt abandonnée, d'une "Banque de la Démocratie".
La démocratie n'a pas de prix, mais elle a un coût qu'il est déraisonnable de ne pas assumer à son juste niveau. Quelques euros par citoyen suffisent, évitant ainsi les contributions se fassent dans des conditions qui faussent pas le jeu au profit des plus favorisés. le "quid pro quo", dont Donald Trump a rappelé l'usage, n'est en effet jamais étranger à la générosité des nantis.
On doit pourtant relever que le propos de l'auteur, aux plus hauts titres académiques, mélange souvent l'analyse la plus fouillée avec des propos polémiques ou partisans qui nuisent à la démonstration plutôt qu'ils ne l'étayent. le style en souffre, souvent relâché, comme sous la dictée, peut-être pour entraîner la lecteur à franchir d'arides démonstrations chiffrées, lesquelles auraient pu être renvoyées en annexe pour faire un peu plus court (528 pages !).
"Qui bene amat"... Cette réserve n'enlève rien sur le fond à l'intérêt d'un travail que l'on aimerait voir se poursuivre avec l'analyse des lobbies, dont le rôle, lui aussi, est inversement proportionnel à la visibilité.
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}