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Critique de Lamifranz


Non, malgré le titre, ce roman ne parle pas d'une démence au sens médical du terme, quoique, d'une certaine façon, si l'on considère que le malheur est une maladie, oui, Génie est folle, et avec elle la plupart des personnages de ce livre terrible, bouleversant, un livre qui, littéralement, vous prend aux tripes.
Inès Cagnati (1937-2007) nous a laissé seulement trois romans et un recueil de nouvelles, ["Le Jour de congé", (1973), "Génie la folle" (1976), "Mosé ou le Lézard qui pleurait" (1979), "Les Pipistrelles" (1989)], mais cette oeuvre, si modeste qu'elle soit, mérite d'être connue, d'abord par la qualité d'écriture de l'autrice, qui est remarquable (l'écriture, mais je pense qu'Inès devait l'être aussi), et ensuite, et surtout, par la puissance d'émotion qu'elle fait naître, avec une sensibilité extrême, d'où émergent une tendresse immense et une grande pitié pour ses personnages sur lesquels s'acharne le malheur.
L'histoire de "Génie la Folle" se passe dans le sud-ouest de la France, il n'y a pas si longtemps. Les émigrés italiens qui ont fui l'Italie de Mussolini, se sont implantés en grand nombre dans le Sud-Ouest, entre Garonne et Pyrénées. Pour la plupart ouvriers agricoles, ils ont mené une vie de misère auprès de fermiers qui les considéraient à peu près comme des esclaves (je peux en témoigner, plusieurs membres de ma famille ont connu ça en arrivant en France dans les années 30). C'est dans ce milieu qu'a grandi Inès, et ce milieu rude et cruel qu'elle dépeint dans "Génie la Folle". Marie est une petite fille, qui n'a pas de père, seulement une mère, rejetée par tous (pensez donc elle a été violée, cette traînée, elle l'a bien cherché), on l'appelle Génie la Folle. Pas folle zinzin, bonne pour le cabanon, mais bizarre, enfermée dans un mutisme farouche, n'ouvrant la bouche que pour donner brièvement de sèches consignes : "Lève-toi", "va te coucher". Et pourtant Marie lui voue un amour immodéré, comme si le malheur opérait des connexions, comme ça, entre les êtres. Mais elle est comme ça, Marie, avec son grand-père, avec la vache, avec le canard, avec son ami Pierre. Avec sa mère, elle tombe sur un mur, mais elle attend, elle attend qu'un jour une porte s'ouvre, c'est sûr un jour Génie la Folle retrouvera le sourire... Mais il n'y a pas que dans la Grèce d'autrefois que la machine infernale du malheur met en branle ses mécaniques terribles...
"Génie la Folle" est un roman pathétique qui décrit l'amour d'une petite fille pour sa mère qui, traumatisée, ne sait pas y répondre. Avec une infinie pudeur, mettant en vis-à-vis l'innocence de l'enfant et la méchanceté, la malignité, la cruauté extrême du monde qui l'entoure, Inès Cagnati écrit un roman d'une grande intensité et d'une grande force, faisant le portrait de deux femmes, la mère et la fille, que vous n'êtes pas prêts (ou prêtes) d'oublier.
Je n'ai pas lu le recueil de nouvelles ("Les pipistrelles"), mais je vous recommande les deux autres romans ("Le jour de congé" et "Mosé le lézard qui pleurait"), de la même veine, et preuve d'un réel talent littéraire (disponibles chez Folio)
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