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Critique de ATOS


60- 70, le monde découvre ce qu'il est encore capable d'engendrer.
Cet entre jambes temporel va enfanter un fruit au goût amer, et allaiter les cinquante années à venir.
Le monde tentait de garder la cadence et se mettait en transe .
L'horreur du Viet nam, la guerre froide, Woodstock, le rock psychédélique, la mini jupe, les émeutes de stonewall, les avions supersoniques, les blacks panters, les dictatures sud américaines, le Biaffra, l'Est et l'Ouest grelottaient, les quartiers sud acidifiaient les quartiers nord, les étudiants entraient dans les usines, à bout de souffle, le cinéma français rêvait du troublant genou De Claire....
60-70 années vénéneuses, années merveilleuses sans doute... .
Les petits d'hommes cultivaient leur paradis. Certains d'entre eux allaient cueillir des fleurs artificielles aux épines mortelles .
«La quête du plaisir n'est jamais très loin de la mort»
« Que Viva la musica » d'Andrés Caicedo n'est pas un livre facile.
Il faut saluer le travail exceptionnel de cette traduction de l'espagnol «colombien» réalisée par Bernard Cohen aux éditions Belfond.
La langue de Caicedo ( mélange de lucumi, de calo, de germania), le rythme hallucinogène imposé par les braises de la Salsa étaient deux grands défis qui sont ici relevés, avec passion.
L'héroïne de Caicedo, Maria, jeune bourgeoise des quartiers Nord de Cali, cité métisse, va embraser ses nuits dans le désert d'une vie où elle ne trouve pas sa place.
«Personne n'aime les enfants qui vieillissent».
Elle danse. Et ce rythme , cette course va l'entraîner sur la piste de la perversion.
« Rendre nécessaire et douloureuse n'importe quelle banalité, parce que la Salsa est là». Voilà sa santeria. La «toujours vivante» décide de ce que ne sera jamais sa vie.
Alcools, violences, drogues, sexes, - Las Vegas Parano? Orange mécanique?- ...
Chacun y trouvera son enfer. Un espace hors de la Loi. «J'ai perdu la crécelle du scrupule».
« La Loi est une alliance qui se fonde sur un échange: protection contre allégeance. le défaut de la première légitimera le refus de l'autre» ( Catherine Millot – Intelligence de la perversion).
Ce qui donne à ce livre un éclat si particulier, c'est bien son intelligence. Ne venez pas y chercher une morale, ou d'évidentes beautés.
Ici nous parlons d'une oeuvre et votre perception suffira.
Acide, pimenté, coloré, suffoquant, brûlant, bruyant, suant, haletant, âcre. Rien n'est doux, rien n'est sucré. Tout tend au paroxisme.
La beauté? Vous en trouverez justement là on vous croyez qu'elle a déserté les lieux.
Aussi difficile que soit l'écoute de cette musica, l'incroyable se produit: on tient le rythme, et alors qu'apparaissent les images, les sons et odeurs les plus psychédéliques, Andrés Caicedo reste maître de son écriture, alors que son héroïne ôte la bonde de son esprit.
Pour lui la poésie était une danse. Il a dansé jusqu'à l'épuisement, en passant le 33 tours de sa vie en 45 tours, c'est le défi de la salsa colombienne, et à ce jeu là tous les saphirs risquent leur éclat.
Dr. Samuel Johnson écrivait Celui qui se transforme en bête se délivre de la douleur d'être un homme.
Andres Caicedo, le Rimbaud des Lettres colombiennes, auteur précoce, curieux et talentueux, se suicida en 1977 à l'âge de 25 le jour même où il reçu de son éditeur le premier exemplaire de ce roman. «D'une main je me soutiens, de l'autre j'écris – Malcom Lowry » telle est l'une des citations retenues par Caicedo.
L'art n'est pas un exemple à suivre, c'est une question à laquelle il faut trouver la réponse à notre propre pertinence.
« Que viva la musica ! » dans les nuits colombiennes …puisque les révolutions meurent toutes , un jour …
Astrid SHRIQUI GARAIN
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