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Critique de ATOS


Roger Caillois : le jusqu'au-boutiste de la libre pensée, de l'esprit libre.
Imaginaire , poésie, rêve, réalité, sens, images, mythes, mémoire, corps, conscient, inconscient, toutes ces passerelles qui s'enchevêtrent , se chevauchent, et se déploient dans nos multiples espaces le fascinent.

C'est toujours l'esprit qui est garant de la liberté de l'homme. Son ultime et dernier rempart, celui qui lui permet de comprendre, d'analyser de saisir la pertinence ou la non pertinence de ce qui l'entoure, la correcte réceptivité de ses émotions, des mille et un espaces dans lequel il se meut.
Ces cinq textes illustrent quelques préoccupations majeures de l'auteur.

Noé :
ou comment l'homme, plein de son propre orgueil, se retrouve être le jouet d'une des plus grandes supercheries « divines »..
Noé, cet humble héros- qui se voudrait l'être bien « malgré lui »-, n'est en fait que la victime de sa crédulité provoquée par sa propre morgue.
L'élu, le Sauveur, celui sur lequel repose la pérennité de la création..
Noé y croit, il y croit si fort et tellement qu'il en oublie de penser.
Mais petit à petit, il retrouve son esprit et Noé se met à penser.
Et plus il pense, sans même avoir eu l'idée de douter, plus il pense et plus l'énormité de la réalité se prononce dans son esprit.
Un déluge, Une terre recouverte par les eaux, un bateau, une arche, un spécimen de chaque espèce...projet insensé.
Réalisable donc possible mais insensé puisque mensonger.
Parce qu'il regarde il se rend compte. Il se rend compte de l'injustice que contient ce projet : une partie de la création n'est pas, n'a jamais été concernée par cette punition divine.
Pas de poissons, pas de cétacés, pas de mollusques dans l'arche...Quant aux oiseaux...
Les seuls à être punis seront les rampants, les habitant de la terre, pas ceux de l'air pas ceux de l'eau...
L'homme vaut moins qu'un moineau, moins qu'une crevette. La sélection divine est totalement subjective. Pourquoi les uns, pourquoi pas les autres... Pour quoi eux, pourquoi pas moi...
Noé est effondré et pour oublier sa peine qui devient sa honte, il boit, il boit comme un trou, le vin de la vigne, le nectar de cette belle vigne qu'il planta sur le mont Ararat après que les eaux se soient retirées.
Noé, ce beau capitaine devient naufragé...
Il ne fut que le jouet de ce qu'il croyait.
Évidement l'histoire retiendra le projet et passera sous silence l'incohérence de l'objet.
Sacré Noé, fichu déluge, ….ainsi dériva toute l'humanité..

Mémoire interlope :
Un rêve, un songe.. et voilà que la réalité se loge dans notre mémoire. La vie n'est pas un songe pour Caillois. Non, on vit dans la réalité, on se confond dans le rêve. On magnifie, on explore, on crée, on se perd parfois dans le rêve.
Mais on réalise dans la vie. le rêve berce l'esprit et voudrait imprimer sa mémoire.
Alors il faut que l'esprit mène l'enquête, qu'il suive les indices, qu'il relève les traces,
C'est l'esprit qui dénouera l'intrigue. L'esprit n'est pas le jouet du rêve, c'est l'esprit qui doit veiller à en rester le maître. L'esprit, sentinelle, doit toujours rester éveillé, c'est à ce prix que la mémoire reste fidèle.

Récit du délogé :
L'homme qui se « désindividu ». Transport et non métamorphose. Différenciation extrême entre le corps et l'esprit. Si le corps peut prendre forme par l'esprit, l'esprit lui est capable de se dissocier du corps. Un homme, au bout de son état d'homme, dans la lassitude de son enveloppe, dans l'usure de la représentation de cette enveloppe dans la société, décide de se déloger de son corps et de venir se loger dans le corps d'un parasite qu'il abrite : une espèce de moule venue se loger dans son bas ventre. ...Un mollusque. Il est lui mais dans un autre.
Il reste pleinement conscient de lui même, et perd peu à peu ce qui le rattachait à son état d'homme.
Il est lui, mais en tout. Il était donc avant même d'être un homme. Il est par son esprit bien plus que dans son corps. Sa mémoire humaine s'efface peu à peu, s'éloigne. Mais il sait et réalise qu'il devient ce qu'il est. Il redevient.

L'ultime bibliophilie
Lecteur ou bibliophile ? Adorateur ou amateur ? le livre : ce prodigieux objet du délice..
Le contenant, le contenu ? le flacon ou bien l'ivresse ? La valeur ou la possibilité ?
Possédant, possédé ? Et si tout justement résidait dans l'image même de l'objet ?
Alors lire, ou... devinez !

Cent ouvrages pour une bibliothèque idéale :
L'idéal n'existe pas pour Caillois.
Trop étroit, trop restreint, trop figé comme espace.
L'esprit est libre et donc : il change, il évolue, il flâne et vagabonde. Il a ses goût qu'il convie à l'instant, il se contredit, se détourne, courtise, convoite, progresse, se façonne.
Alors cent livres qui pourraient donner profil à un esprit...!
On est toujours appelé vers ce que l'on ne connaît pas. C'est là le gage de la bonne santé de sa liberté.
Dresser une liste, voilà qui n'a aucun sens pour l'auteur.
Il faudrait y mettre beaucoup de livres inconnus.
Et comment les recenser si ils nous sont inconnus ?
Le seul intérêt de cette entreprise serait, peut être, de voir cet esprit s'interroger à ce sujet, à savoir : l'impossible réalité de tout idéal...

Astrid Shriqui Garain


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