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Critique de Litteraflure


Felipe Calderón avait à peine cinq ans lorsque le Chili a renoué avec la démocratie. Il n'a connu la dictature de Pinochet que dans la voix étranglée de ses aînés. Une voix confuse et meurtrie. Il eut été plus simple de l'oublier, d'ignorer les fantômes de ce passé d'horreurs et de turpitudes. Il a choisi une voie contraire, celle d'un souvenir recomposé au milieu des corps décomposés. Il n'en ressort pas indemne. On dit parfois que les névroses et les souffrances sautent les générations, qu'elles expliquent les comportements étranges de ceux qui ont eu le malheur d'en hériter. Calderón, lui, les accueille et les démagnétise par le truchement de la littérature, sous hypnose et licence poétique. Il en ressort un récit halluciné et fantastique, fait d'enfants désirés, de reptiles, de momies, de brumes et de chiens semblables aux cerbères gardant l'entrée d'un enfer qu'il convient d'ignorer, pour ne pas perdre la raison. Roció, l'épouse du brigadier, n'y parviendra pas, prisonnière d'incessants cauchemars. Elle devient la naufragée volontaire de sa démence. Comme les chiens féraux, elle retourne à l'état sauvage, s'éloigne d'un monde devenu hostile, prête à mordre la main de ces hommes dits « civilisés », mais devenus bourreaux. Voici un extrait : « Ils avancèrent précautionneusement sur la route en terre pendant que, dehors, les chiens les regardaient avec un calme absolu, comme si rien n'avait plus d'importance à leurs yeux, comme s'ils revenaient d'une bataille improbable, où la victoire était l'égale de la défaite et la défaite toujours une solitude, un oubli, un abîme infini de silence ». Calderón n'épargne rien ni personne, fait aussi le procès d'une Église complice dans des pages terribles (chapitre XX) où le Christ devient un monstre mythologique. Un livre beau et difficile qui m'a tant rappelé le film « Valse avec Bachir » pour ses meutes de chiens errants et cette impossibilité à concevoir, à moins de tutoyer la folie, l'exécution du crime de masse.
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