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Critique de Agneslitdansonlit


Un très bel album jeunesse, initialement réservé sur le site de ma médiathèque, pour les séances d'histoires avec mes petits neveux et nièces. Mais en feuilletant les premières pages, il m'est apparu qu'ils étaient encore un peu jeunes pour cet ouvrage. Et je reviendrai de façon plus détaillée sur les arguments motivant cette affirmation.

Qu'a cela ne tienne, je l'ai dégusté en solo : les illustrations de Claudia Palmarucci sont sublimes et saisissantes. le visuel de l'inquiétant est très travaillé: la jungle touffue, luxuriante et sombre est omniprésente, relayée par toute une iconographie du cauchemar assez puissante .

Car "Le Cauchemar du Thylacine" est un album bâti autour des mauvais songes des animaux, (en l'occurrence australiens), habitants de "La Forêt-sans-Nom" : le Wombat, l'Emeu, l'Opposum, l'Echidné partagent avec les lecteurs leurs mauvais rêves. Toutes sortes de cauchemars viennent les assaillir la nuit : choses qui grouillent, qui vous poursuivent, cri qui vous persécute, serpents, bruissements, craquements grincements... Toute la panoplie des sons très désagréables, des créatures dissimulées et effrayantes

Mais heureusement ils peuvent compter sur l'aide du Docteur Wallaby, aidé par son fidèle assistant: le magnifique Dingo. Dr Wallaby parcourt La Forêt-sans-Nom, à dos de Dingo, stéthoscope au cou et sac à dos médical aux épaules, pour prêter assistance à ses congénères pour les soigner... de leurs cauchemars !!

On peut donc en guérir ? Hé bien oui, et à cet effet, le Dr Wallaby nous ouvre son "Petit Manuel de chasse aux cauchemars et autres mauvais rêves" où il expose toutes les techniques illustrées de piégeage de cauchemars ! Appât sous une pierre, cage, trou camouflé... C'est assez amusant quand on les destine à des mauvais rêves, mais cela reste inquiétant quand on se dit que, dans des circonstances plus réelles, ces pièges peuvent être destinés aux animaux. Car qui voudrait voir un animal piégé et en souffrance, appâté par un leurre ?

Et justement, à propos d'animaux chassés, le Thylacine se présente au Dr Wallaby. Son tourment? Ce n'est pas un cauchemar, c'est bien plus... C'est le néant, un grand trou, déclinaison de noir et gris foncé.
C'est à cet instant de la lecture que l'on capte sûrement le mieux l'attention, dramatique, des enfants: cette page sombre, inquiétante, chacun peut y mettre sa peur.

Le Dr Wallaby a beau passer en revue tout son registre lexical des mauvais rêves et nous offrir de superbes pages de ce qui, au fil des siècles, a constitué "le bestiaire" de l'Enfer, il n'identifie pas celui du Thylacine...
Et pour cause, comment le
Thylacine pourrait-il rêver, même en gris et noir ? Il n'existe plus... Ce marsupial de la taille d'un loup, au pelage tigré, est considéré comme disparu...
Il appartient aux errants fantomatiques de l'extinction. Il doit rejoindre "l'île des Ombres", aux côtés de tous ceux, qui, comme lui, ont été éradiqués.

C'est un album plus émouvant qu'il n'est effrayant, car il se referme sur tous ceux que nous ne connaîtrons jamais, (sans pour autant remonter jusqu'au Tyrannosaure que je regrette peu !!!), ceux dont l'espèce s'est éteinte par les effets souvent conjugués de la colonisation de leur habitat par l'humain, leur chasse à outrance (avec prime d'abattage, l'horreur...), la raréfaction de leur nourriture... Cet ouvrage est un outil très graphique et poétique pour sensibiliser nos enfants à l'impact de notre action sur notre milieu. Ça ne fera pas tout mais c'est déjà un bon début, non?

Pour autant, cet album est conseillé à partir de l'âge de 6 ans, car les images peuvent s'en révéler inquiétantes et, face à l'émotion qu'elles peuvent susciter, il est important que le texte, ainsi que la parole de l'adulte, soient accessibles au niveau du vocabulaire pour que l'enfant puisse échanger et exprimer ce qu'il ressent. Cela peut se révéler un moment très riche autour de nos cauchemars, de ce qui nous fait peur dans notre vie, mais aussi, et c'est important, de la façon dont on pourrait neutraliser ces cauchemars (c'est là que les pages illustrées de pièges à cauchemars sont sympathiques !)

Les pages consacrés aux différents mauvais rêves qu'évoque le Dr Wallaby sont graphiquement foisonnantes et constituent de très belles pistes de discussion et d'enrichissement du vocabulaire. Je n'ai pas été surprise de découvrir en fin d'ouvrage les références utilisées par l'illustratrice : Jérôme Bosch, le travail de Gustave Doré sur l'Enfer de Dante, des miniatures indiennes...

Pour finir, les pages de garde représentent des animaux disparus, avec leur désignation par leur nom scientifique en latin. C'est instructif mais franchement pas très pratique ni très parlant pour un enfant de 6 ans qui risque de s'imaginer qu'on lui expose de très anciens animaux poussiéreux, ("Raphus Cucullatus" pour le regretté Dodo) alors que malheureusement ils avaient traversé tant de siècles pour s'éteindre il y a peu...
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