Écrire pour raconter. Écrire pour mettre en lumière les souffrances, les incohérences du monde de la protection de l’enfance, et je sais ne pas avoir été la seule à les avoir subies. C’est aussi l’occasion de montrer l’absurdité d’un système mal ajusté et le combat que j’ai voulu mener face à ces injustices. J’avais ce grand besoin de dire ce que j’avais vécu, et surtout comment je l’avais vécu.
J’ai compris que ces lectures me faisaient souffrir encore plus parce que j’étais incapable de prendre du recul. À ce moment-là, en devanture de toutes les librairies (que je fréquentais assidûment), il y avait notamment l’histoire d’une jeune fille séquestrée dans une cave par son bourreau avec qui elle avait eu des enfants. J’avais été particulièrement troublée. L’ouvrage était sorti très rapidement après sa « libération ». Je m’interroge alors sur le sens de partager son histoire, sur la manière de le faire et son instrumentalisation par les médias. Je ne comprenais pas, j’avais le sentiment que ces personnes livraient leur histoire pour prendre du recul, faire le point, mais est-ce vraiment l’objectif d’un livre ?
Je pressentais que ma sensibilité exacerbée me donnait une empathie particulière pour tous ces jeunes. J’étais fascinée par leur vie et les adultes qu’ils devenaient. Je me disais que les aider serait mon métier. À la fois, je pense que cela m’a aidée car ça me sortait de moi-même, et en même temps, c’était problématique car je voulais sauver tout le monde, ce qui n’était pas à ma hauteur.
Il faut savoir que j’étais vraiment passionnée par les livres. Ils me donnaient des clés pour comprendre la vie et la vision des adultes qui m’entouraient. Particulièrement, adolescente, j’ai commencé à lire beaucoup de récits de vie, des histoires de mômes qui en avaient bavé. Je me retrouvais dans ces histoires.
Le premier besoin d’un bébé et d’un enfant, petit, est de disposer d’un adulte sécurisant, appelé « figure d’attachement », qui lui propose de la stabilité et de la sécurité affective adulte. Ce « lien vital », selon l’expression de la pédopsychiatre Nicole Guedeney, a été décrit dès 1954 à la demande de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Il est au fondement des lois sur la protection de la jeunesse québécoises depuis 1977, italiennes (1981) et anglaises (1989).