Qu'ils retournent en enfer

Depuis le haut de la rue du Château d'Eau, la position du jeune homme semblait très naturelle. Il était assis sur les marches du perron du moulin de Cugarel, le monument emblématique de la ville de Castelnaudary. À une autre heure de la journée, vue de loin, sa présence n'aurait intrigué personne.
Néanmoins, Sophie Ricaux, qui traversait la place où était implantée la meunerie en promenant son chien, fut étonnée par l'immobilité de l'individu alors que la température était de moins deux sous abri. Elle se rapprocha de la silhouette à l'attitude trop figée et poussa un hurlement strident face à la vision d'horreur qui s'offrait à elle. La jambe gauche de l'homme avait été amputée et une importante tache de sang souillait tout le devant de son pull-over. La jeune femme tétanisée ne pouvait détacher son regard du moignon sanguinolent. La peau du visage de l'homme assis était diaphane et ses yeux vitreux, bien que grand ouverts, fixaient le vide. Se reprenant quelque peu, Sophie Ricaux recula comme un automate jusqu'au petit parc d'agrément jouxtant le moulin et appela la gendarmerie avec son téléphone portable.