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Critique de Luniver


La culture est immatérielle, ce qui est plutôt pratique : si j'en donne un morceau à mon voisin, je conserve quand même toute la mienne, et tout le monde est gagnant. Renaud Camus défend pourtant le contraire : donner de la culture à tout le monde affaiblit le niveau général. Prenons l'exemple de la Joconde : une masse de touristes ignorants fait la file pour avoir le droit de l'admirer quelques secondes, puis laisse des commentaires désappointés sur les réseaux sociaux en déplorant la petite taille du tableau. Tout en privant les connaisseurs, eux aussi limités à une contemplation de cinq secondes, de la possibilité d'en admirer toutes les nuances.

L'auteur affirme que la culture est par définition inégalitaire, et regrette que les institutions chargées de la protéger et la transmettre se soient petit à petit détournées de leur but premier : les écoles ont désormais comme mission de donner des diplômes à tous les étudiants, quitte à baisser le niveau général, les médias se sont tournés vers le pur spectacle, et même les musées sont entrés dans une logique de rentabilité et de développement de leur marque à l'étranger.

Malgré quelques exemples intéressants, l'essai ne m'a pas vraiment convaincu.

Déjà, il s'ouvre sur l'introduction la plus pénible qu'il m'ait été donné de lire : phrases pompeuses et constructions alambiquées, remplies d'allusions obscures, qui vous donnent d'emblée le sentiment de devoir être absolument d'accord avec l'auteur sous peine de se voir ranger dans la catégorie des agents du crétinisme qu'il dénonce justement. Heureusement, le style devient plus abordable par la suite, mais j'étais à deux doigts de décrocher après quelques pages.

La vision développée dans l'essai est une « culture forteresse » : un petit groupe de gens au bon goût absolu décide de ce qui vaut ou non la peine d'être apprécié, et examine sous toutes les coutures les prétendants avant de les intégrer. On peut cependant contester la pertinence de ce goût, puisqu'il a déjà été démontré que le besoin premier de cette « élite » est de se distinguer des autres, et que des mets (le saumon) ou des destinations de voyage passent très vite du statut « incontournable » à celui de « vulgaire » une fois que les prolos et leurs congés payés passent dans le coin.

Au final, l'impression générale que me laisse l'ouvrage est que ce petit cercle fermé a fait beaucoup d'efforts mais se sent peu récompensé : on ne les admire pas assez, on invite d'autres personnalités moins « méritantes » à la télévision, et surtout, de moins en moins de gens sont disposés à faire le même chemin : quel intérêt de devenir juge si plus personne ne demande à être jugé ?
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