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Critique de Charybde2


Des dizaines de vignettes expurgent une enfance de violence domestique et de tendresse obscure.

Ce premier roman de Manuel Candré, à paraître le 30 août 2012 chez Joëlle Losfeld, impressionne par sa violence subtile.

Sous forme de dizaines de vignettes plus ou moins longues, telles que pourraient s'écrire les verbatims issus de séances de psychothérapie, le narrateur dévoile, dans le désordre, mais selon une savante construction littéraire, des bribes de son enfance agitée, entre maladies des proches, omniprésence des morts, explosions de violence et de brutalité parentales, souvent noyées dans une épaisseur d'alcool effrayante...

Et pourtant... Une obscure tendresse perce bien dans la colère qui sourd du narrateur tout au long de ces réminiscences aux allures passagères de confessions. "Faire parler" rétrospectivement les enfants est un art littéraire difficile, dont Manuel Candré, à l'instar jadis du James de "Ce que savait Maisie" ou plus récemment du très réussi "Je n'ai pas peur" de Niccolo Ammaniti, se sort avec brio.

Même si ce récit ne représente pas exactement mon "genre de beauté" personnel, j'en sors impressionné.

"Ce jour-là, il fait beau et la fenêtre est grande ouverte. le voisin Boulet passe la tête pour dire bonjour. C'est un petit vieux tout sec avec un béret. Boulet, il est d'humeur à faire des blagues. Il a vu que mon grand-père tient une bonne caisse et, planté devant la fenêtre, les deux mains sur les hanches, il crie, feignant l'indignation. Quoi ? Toi, Candré, un communiste, tu manges des raviolis, ce plat de Mussolini. Mon grand-père s'empourpre, une position intenable se fait jour dans son esprit envapé. Il se lève comme un ours, Oh Bon Dieu, Boulet, t'as raison, prend l'assiette et la fout tout entière par la fenêtre. Puis il se retourne vers ma grand-mère, exultant du soulagement éprouvé. Boulet pleure littéralement de rire dans le jardin, ma grand-mère fume de rage. Cette histoire, et quelques autres, faisaient la fierté de la famille. Être ivre, de gauche, si possible impulsif, tout ça définit une sorte de patrimoine familial qu'on peut revendiquer la tête haute. Les raviolis de pépé, c'est un peu la Mona Lisa des Candré, un chef-d'oeuvre qui contient tous les principes du maître. Mon père aimait m'en raconter une autre impliquant mon grand-père et sa mère. Une histoire dégueu avec un suppositoire qui vole et des harengs qui cuisent dans la cheminée... Une de mes préférées avec celle des raviolis."
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