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Critique de Perlaa


« Witz créait sa propre atmosphère et m'y entraînait à sa suite... je continuais à en disposer quand il avait disparu ». Cette phrase tirée de la langue sauvée je pourrais la faire mienne, elle s'est imposée à moi immédiatement.
Titre insolite faisant référence à un rêve d'une violence sanglante dans l'enfance. Une langue – l'organe - menacée d'être coupée. On comprendra plus loin la signification de ce cauchemar récurrent.
Juif séfarade né au bord du Danube en Bulgarie le jeune Élias émigrera en Angleterre, puis en Autriche et en Suisse de 1911 à 1921.
La partie la plus réussie pour moi est sans contexte les toutes premières années à Roustchouk dans un milieu cosmopolite où « l'on pouvait entendre parler sept ou huit langues différentes dans la journée ». « Un pays des melons, des pêches et du raisin ». Une enfance probablement en partie fantasmée qui confère à l'écrivain un ancrage patriarcal fantasque et riche. Un cocktail d'Orient, de Balkans, d'une vie animée qui tranche sur les années qui vont suivre, celles de l'exil.
Un exercice intime auquel Canetti se livre, un enfant pudique toutefois qui intègre le poids des interdits édictés par une mère fusionnelle à qui il rend compte de tout.
J'ai lu ces écrits sur son adolescence comme le témoignage vivant d'une époque encore heureuse malgré un père bienveillant trop tôt, trop vite et étrangement disparu, avec et malgré une mère ambivalente. Canetti s'étend longuement sur ses années de formation intellectuelle, son appétit insatiable pour l'écrit et la connaissance, ses enseignants, ses camarades, des anecdotes, des écrits académiques au départ puis plus novateurs pour l'époque, tout ce qui constituera sa formation personnelle et culturelle. Il convoque régulièrement son imaginaire prolifique, sa capacité à créer des univers dès son enfance, même si au final Canetti n'écrira qu'un seul roman.
Une enfance essentiellement livresque évoquée avec lucidité. L'auteur reconnaît son orgueil. Son côté « singe savant »  se gonflant d'importance, le rendant impopulaire auprès de ses proches. Ce retour sur lui-même honnête tend à atténuer l'impression constante d'avoir affaire à un enfant exceptionnel.
L'un des aspects des plus personnels est sans doute son rapport avec la langue allemande. L'apprentissage est forcé et brutal exigé par sa mère. Une langue secrète car parlée au début par ses seuls parents, dont son père tant aimé. La découverte puis son usage quasi exclusif est une fenêtre ouverte, une proximité avec une Mitteleuropa où tous les grands noms de l'époque sont présents.
Un « paradis perdu » à Zurich qu'il devra quitter à 16 ans sur injonction de sa mère.
Une autobiographie captivante que je poursuivrai.
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