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Critique de Ana_Kronik


Comment définir la bêtise? Avant de lire ce livre, je ne savais pas. Il faut dire qu'on ne sait pas bien définir l'intelligence non plus, mais bon, je ne me cherche pas d'excuses.

La bêtise ce n'est pas l'ignorance, ni la sottise. Il y a aussi la bêtise des gens intelligents, cultivés, informés. Ceux que l'on pourrait croire libres de penser, mais qui sont prisonniers du conformisme dominant. On peut être intelligent, et ne pas se servir intelligemment de son cerveau. Cette bêtise-là se renouvelle, ce qui la rend moins visible et donc plus dangereuse. Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un petit florilège:

Il y a par exemple, ceux qui ne font que confirmer les valeurs consacrées de l'art, du cinéma, de la littérature. L'art est sensé être subversif, mais il ne l'est plus depuis les impressionnistes. Les artistes à la mode sont choisis par l'establishment, leurs oeuvres se ressemblent: il se bornent à imiter Duchamp. ils ne dérangent plus personne, d'ailleurs on les subventionne! Si tout le monde aime le dérangement, ce n'est plus dérangeant.

Autre exemple de conformité: la recherche du bonheur. Il faut impérativement être heureux. Jouissance obligatoire, choyer son corps, rester zen, se faire aimer de ses amis...

Examinons aussi le rôle de ces expressions telles que "au niveau de", "en exergue", "quelque part" ... Façon d'être imprécis, tout en se donnant l'air profond: "il a tort quelque part". Ou commencer ses phrases par "aujourd'hui", manière de montrer qu'on sait décrypter, qu'on est au courant. Alors que les gens intelligents, eux, analysent le passé et les causes des évolutions. On parle avec des mots à la mode, et de la même manière, on pense avec des idées à la mode. "Politiquement correct": une autre expression qui permet de faire l'économie d'une réflexion morale et politique.

La bêtise intelligente peut consister à réduire à une explication simple des phénomènes complexes. Ça donne des bouquins du style "pourquoi l'amour dure trois ans". Ou alors, à s'élever contre des coupures de films dans les avions, en criant tout de suite à la censure, sans tenir compte de la spécificité de cette situation (ne pas stresser les passagers). Ou encore, répéter comme un mantra des phrases-type "l'art c'est la vie et la vie c'est l'art".

Dans notre société libre, les gens sont librement amenés à dire ce qu'ils pensent de tel ou tel phénomène, d'un événement, et à dire s'ils sont pour ou contre. Alors que la liberté consisterait à parler d'autre chose, ou tout au moins à ne pas penser en termes de pour ou contre.

Par exemple, à chaque rentrée littéraire il faut avoir un avis sur les bouquins. Ceux qui sont mis en avant. Mais pas les autres. Les critiques littéraires font preuve de suivisme: si un tel en parle, il faut en parler aussi... Je me souviens que Bourdieu avait finement analysé ce phénomène en son temps.

Pour éviter la bêtise, il faut garder sa liberté d'esprit. Être capable de résister à l'idéologie dominante. Ne pas penser par omission. Éviter la paresse, les bons sentiments, le réactionnaire, le relativisme, le réflexe, la réduction...

Vous l'aurez compris: je recommande ce livre, facile à lire et intelligemment construit. J'ai juste un petit souci: je ne sais pas comment terminer cette critique. La faute à Belinda Canonne qui m'a appris cette phrase de Flaubert : la bêtise consiste à conclure...
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