AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782234059474
209 pages
Stock (13/09/2007)
3.72/5   16 notes
Résumé :

Dans La bêtise s'améliore, trois personnages dialoguent autour de l'amour, la politique, l'économie, l'art, la morale, l'école, la langue, le désir, le bonheur... Il n'existe pas de remède définitif à la pétrification de la pensée qui menace chacun à tout instant. Il s'agit juste de se montrer sans cesse vigilant et cet essai veut y contribuer en renouvelant l'éloge de la liberté d'esprit et... >Voir plus
Que lire après La bêtise s'amélioreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Belinda Cannone entend nous décrypter la bêtise intelligente. Et bien qu'elle ne définisse pas clairement ce qu'elle entend par là (oh, par là, je n'entends pas grand-chose comme dirait l'humoriste), on peut entrevoir au fil de son essai qu'elle considère les bêtises dites par les gens intelligents. Deux concepts qu'elle ne définit pas davantage.

Elle construit son ouvrage comme une sorte de roman et d'essai. Roman parce que nous avons un trio de personnages (un couple et un ami proche) qui devise et glose gaiement sur les bêtises des autres (incidemment sur les leurs également). Essai parce qu'à force d'aligner les sujets de réflexion, on se situe clairement dans une sorte de démonstration. Hélas, plutôt que de cumuler les avantages des deux genres, on a plutôt les inconvénients. Par exemple, pas de thèse, antithèse, synthèse... On a un discours assez moralisateur, qui détruit tout et son contraire et ne construit rien. Un comble pour un ouvrage sur la bêtise, à moins que Belinda Cannone n'ait voulu prêcher par l'exemple. Auquel cas, c'est fort réussi. Car je ne peux me départir de l'impression que l'autrice se prend les pieds dans le tapis qu'elle déroule gaiement, qu'elle se prend les pièges qu'elle tendait aux autres.

D'ailleurs, qui sont ces "autres"? Gageons que les wokistes, les détracteurs du politiquement correct, les chantres du "y'a qu'à" et leurs opposants trouveront dans cet ouvrage de quoi alimenter leur guéguerre. Car à force de passer à la moulinette toute une série de concepts de société, l'autrice dit tout et son contraire. Peut-être est-ce là la solution face à la bêtise intelligente?

Lieux communs, pourfendage d'idées reçues et préconçues, datant parfois d'un autre temps, déconstruction de clichés éculés, rassemblement de VRP dans une ville de province... on a droit à tout cela. Je me suis revu adolescent boutonneux refaisant le monde affalé sur le skaï d'une banquette imprégnée de fumées de cigarettes dans une taverne liégeoise proclamant "plus de 800 sortes de bières, ouvert 24/24, 7/7" avec l'idée qu'en les testant toutes nous serions plus à même de refaire le monde, et de dire encore plus de bêtises (mais avec des circonstances atténuantes, vu que nous serions bourrés). Cela dit, contrairement aux protagonistes du récit de Belinda Cannone, nous avions à coeur de construire ce que nous cassions.

Ici, je ne vois que de la pensée "déconstructive". Rien de formatif (évidemment, car le discours sous-jacent se prétend a-normatif, mais il devient normatif, en ce sens que les protagonistes nous disent à longueur de pages que, eux, ils ont raison). Il est facile de se moquer de tout. Et il y a quelques chapitres qui frappent juste. Mais ils sont finalement fort isolés. Même si les 3 acteurs du récit sont ce qu'ils critiquent, des sots intelligents, on n'atteint pas des sommets de la pensée.

Il faut attendre la page 135 (sur 200) pour voir arriver la notion essentielle du relativisme. Mais cette idée finit par se transformer en individualisme, c-à-d le recours au "moi-moi", relecture de Descartes façon "je pense donc j'ai raison". On passe aussi en revue le politiquement (in)correct, la liberté individuelle (y compris celle de dire des bêtises), la pensée unique (qui semble devoir être celle des 3 acteurs de l'ouvrage...), le conformisme, l'art moderne, l'enseignement... le livre datant de 2007, il manque énormément de thèmes récents, ou de façon récente de traiter les sujets éternels. Pas de MeToo, bien sûr, mais très peu de réflexion sur le féminisme, les violences faites aux femmes, le racisme, la xénophobie, la tolérance... autant de pans de la société où la bêtise intelligente fleurit abondamment, et ce n'est pas Eric Z. qui me contredira (ou plutôt, si, je pense qu'il me contredira, et cela me convient fort bien).

Il est savoureux de considérer la déconstruction dont Belinda Cannone se fait l'avocate. Surtout quand elle aborde le fait d'abonder dans le sens de la majorité pour avoir du soutien pour ses idées. Car c'est précisément ce qu'elle fait. le discours qui consiste à balayer toutes les certitudes a clairement le vent en poupe.

J'ai ce livre depuis sa sortie et j'ai essayé de le lire plus de 10 fois en m'arrêtant très vite, tant j'étais consterné par l'inanité, le flou et la platitude du propos. le travers principal de l'autrice est de tout dichotomiser, de tout "blancnoirifier". Pas de nuance, pas de moyen terme, pas de fluctuance. Les 3 acteurs de l'ouvrage, seuls, ont raison. Je ne suis ni content ni fier d'avoir enfin terminé, à l'arrache, aux forceps, ce livre. Je n'aime pas abandonner un livre. Critiquer un livre sans l'avoir lu intégralement, cela ne me plaît pas. Et cela, c'est sans doute une bêtise intelligente.

Je retiendrai une idée intéressante: obliger un discours à être compréhensible, compris de tous, rejeter les discours abscons faits de jargons, tout en demandant quand même au lecteur de faire un effort. Cet effort mutuel, de la part de celui qui écrit et de celui qui lit mériterait un traitement plus long, approfondi, plutôt que quelques paragraphes vite jetés sur le papier.

Et si on trouve cette critique d'une affligeante bêtise intelligente, je serai, j'en suis sûr, pardonné car il est dit à plusieurs reprises dans l'ouvrage qu'énoncer des bêtises intelligentes nourrissait la pensée et permettait d'avancer.
Commenter  J’apprécie          80
Comment définir la bêtise? Avant de lire ce livre, je ne savais pas. Il faut dire qu'on ne sait pas bien définir l'intelligence non plus, mais bon, je ne me cherche pas d'excuses.

La bêtise ce n'est pas l'ignorance, ni la sottise. Il y a aussi la bêtise des gens intelligents, cultivés, informés. Ceux que l'on pourrait croire libres de penser, mais qui sont prisonniers du conformisme dominant. On peut être intelligent, et ne pas se servir intelligemment de son cerveau. Cette bêtise-là se renouvelle, ce qui la rend moins visible et donc plus dangereuse. Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un petit florilège:

Il y a par exemple, ceux qui ne font que confirmer les valeurs consacrées de l'art, du cinéma, de la littérature. L'art est sensé être subversif, mais il ne l'est plus depuis les impressionnistes. Les artistes à la mode sont choisis par l'establishment, leurs oeuvres se ressemblent: il se bornent à imiter Duchamp. ils ne dérangent plus personne, d'ailleurs on les subventionne! Si tout le monde aime le dérangement, ce n'est plus dérangeant.

Autre exemple de conformité: la recherche du bonheur. Il faut impérativement être heureux. Jouissance obligatoire, choyer son corps, rester zen, se faire aimer de ses amis...

Examinons aussi le rôle de ces expressions telles que "au niveau de", "en exergue", "quelque part" ... Façon d'être imprécis, tout en se donnant l'air profond: "il a tort quelque part". Ou commencer ses phrases par "aujourd'hui", manière de montrer qu'on sait décrypter, qu'on est au courant. Alors que les gens intelligents, eux, analysent le passé et les causes des évolutions. On parle avec des mots à la mode, et de la même manière, on pense avec des idées à la mode. "Politiquement correct": une autre expression qui permet de faire l'économie d'une réflexion morale et politique.

La bêtise intelligente peut consister à réduire à une explication simple des phénomènes complexes. Ça donne des bouquins du style "pourquoi l'amour dure trois ans". Ou alors, à s'élever contre des coupures de films dans les avions, en criant tout de suite à la censure, sans tenir compte de la spécificité de cette situation (ne pas stresser les passagers). Ou encore, répéter comme un mantra des phrases-type "l'art c'est la vie et la vie c'est l'art".

Dans notre société libre, les gens sont librement amenés à dire ce qu'ils pensent de tel ou tel phénomène, d'un événement, et à dire s'ils sont pour ou contre. Alors que la liberté consisterait à parler d'autre chose, ou tout au moins à ne pas penser en termes de pour ou contre.

Par exemple, à chaque rentrée littéraire il faut avoir un avis sur les bouquins. Ceux qui sont mis en avant. Mais pas les autres. Les critiques littéraires font preuve de suivisme: si un tel en parle, il faut en parler aussi... Je me souviens que Bourdieu avait finement analysé ce phénomène en son temps.

Pour éviter la bêtise, il faut garder sa liberté d'esprit. Être capable de résister à l'idéologie dominante. Ne pas penser par omission. Éviter la paresse, les bons sentiments, le réactionnaire, le relativisme, le réflexe, la réduction...

Vous l'aurez compris: je recommande ce livre, facile à lire et intelligemment construit. J'ai juste un petit souci: je ne sais pas comment terminer cette critique. La faute à Belinda Canonne qui m'a appris cette phrase de Flaubert : la bêtise consiste à conclure...
Commenter  J’apprécie          20
Quand un de mes amis m'a offert ce livre, en mars dernier, je me suis dit : "houlà ! Encore un bouquin où l'auteur va nous apprendre à penser en se bouchant le nez pour éviter les effluves nauséabonds de la beaufitude ambiante." Je n'avais pas trop envie de le lire. Mais comme je vois assez souvent l'ami en question, j'ai eu peur qu'il m'en demande des nouvelles. Et bien, en réalité, je suis très agréablement surprise de ce petit essai qui fustige, de manière sympathique, tout ce que je combats: l'aveuglement idéologique qui amène à produire des jugements-réflexes, les bons sentiments qui stérilisent la réflexion, le pédagogisme et sa novlangue néfaste ou les injonctions au bonheur. Une vraie pépite.
Commenter  J’apprécie          81
L'objet de ce livre est de développer l'idée que toute idée, information, argument, etc. doit être remis en question et analysé pour pouvoir se rapprocher de la vérité. Jusque là, c'est louable mais classique.
Le ton de ce livre est de vous faire vous sentir un imbécile, comme les autres de la masse, si vous ne faites pas cet exercice en permanence. En tout cas, j'ai ressenti, surtout dans la bouche de Gulliver, cette oppression que me fait ressentir ces gens qui savent tout, qui ont toujours raison, qui ne vous écoutent que pour mieux vous contredire, souvent avec une pointe de mépris et d'agressivité. Ces gens qui veulent éduquer les autres au gout du savoir et de la critique mais qui brisent leur élan à chaque tentative, finissant par les décourager, voir les écoeurer.
Bref, pleines de bonnes idées mais un ton de condescendance intellectuelle que je n'aime pas. Voila ou ce livre pêche : il prêche "l'intelligence" avec tant de mépris qu'ils pousserait n'importe quel personne moyenne vers la déraison, juste par contradiction. L'équivalent en politique c'est le mépris des classes et des gens, qui les poussent vers les extrêmes.
Commenter  J’apprécie          42
C'est à la fois drôle et très sérieux. Il y a croisement des genres : roman, essai, philosophie, critique littéraire, artistique, étude historique. L'écriture est de ce fait assez recherchée : vocabulaire, tournure de phrase, citations très nombreuses. Et cela se lit pourtant assez facilement.

Tout y passe : les modes dans le langage, l'art, la soumission sous la seconde guerre mondiale, les modèles qui inspire nos discuteurs ( Molière, Flaubert, un peu Baudelaire, Barthes et beaucoup d'autres) et aussi bien entendu l'amour.
Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et depuis, vois : on met à mal le Code du travail et on dit « réforme, acceptez les réformes », on fait passer une loi en force et on dit aux manifestants « vous ne voulez pas dialoguer », et partout, ici comme dans le monde, l’opinion commune déclare que les Français seraient cramponnés à leurs acquis et réfractaires au changement. Mais pourquoi accepterait-on un changement qui ne signifie en réalité qu’adaptation a un monde qui se précipite vers l’avant pour le seul bénéfice des privilégiés? Adaptation qui passe par un recul en matière sociale.
Commenter  J’apprécie          00
On peut imaginer que dans la passion d’être égal et de n’avoir que des égaux se loge aisément le conformisme. Il y a bien des travers à l’égalitarisme, notamment le désir farouche que l’autre ait aussi peu que soi, au lieu d’essayer d’avoir autant que lui. (p.158)
Commenter  J’apprécie          00
Oui, il y a quelque chose d’inexorable dans l’égalité des sexes, mais à condition que les femmes continuent d’y croire et d’agir pour avancer... (p.167)
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Belinda Cannone (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Belinda Cannone
Une conversation présentée par Raphael Zagury-Orly Avec Isabelle Alfandary, auteure et professeure Belinda Cannone, auteure Serge Hefez, psychiatre
Le «un» n'est jamais le chiffre de la vie. Certes, il y a les organismes unicellulaires, bactéries, levures, plancton et autre protozoaires… Mais eux aussi on besoin de quelque chose d'autre, d'un milieu.. A la base de toute molécule organique, outre la durée temporelle et les sources d'énergie, se trouvent des multiplicités, des altérités, des combinaisons d'éléments, carbone, oxygène, hydrogène, eau, azote, dioxyde de carbone, diazote… Bien sûr, cela fait la vie sur Terre, la vie des vivants, mais ne dit rien sur la façon dont les êtres humains, eux, choisissent de la porter, cette vie, c'est-à-dire d'exister. de là aussi l'unicité est exclue: on vient au monde «plein des autres», le monde ne vient à l'enfant que par les autres, et il n'y tient que si d'autres d'abord le tiennent et tiennent à lui. Né d'une union qu'il n'a pas choisie, il lui appartiendra ensuite de s'unir volontairement à qui il voudra, par affinité, par intérêt même, par amitié, par amour, et de constituer des couples, des clans, des groupes, des familles, des communautés, des sociétés… Il se peut dès lors que des personnes, pour supporter le faix de la vie, choisissent de la porter à deux, de faire de leur cohabitation une convivance, et de leur existence une coexistence, le plus souvent solidifiée par le ciment de l'amour. La «vie à deux» devient dès lors une vie rêvée que les partages quotidiens rendent réelle. Mais est-ce si sûr? Combien coûte le sacrifice du «un», de la libre et insouciante existence solitaire, qui n'a de comptes à rendre à personne? Combien coûte le sacrifice du trois, ou du quatre, d'union plurielles où la diversité fait loi, où les plaisirs varient et s'égaient de ne point devoir s'abreuver à une seule source? Est-il possible qu'une «vie à deux», soudée par le plus bel amour, résiste aux soudaines envies d'autonomie, demeure imperméable aux petites disputes, aux grosses scènes de ménage, aux soupçons, aux jalousies, aux perfidies, aux humeurs insupportables, aux messages indus sur le portables, aux désirs d'être seule(e), de partir seul(e), de dormir seul(e)? On ne sait pas. On ne sait pas si la «vie à deux» est le paradis de l'amour ou l'enfer de la liberté.
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (44) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}