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Critique de Dez54


Dez54
06 février 2021
La guerre des salamandres est un roman de science-fiction satirique de l'écrivain tchécoslovaque Karel Čapek publié en 1936. Un écrivain que, comme beaucoup, je ne connaissais que de nom pour avoir été le premier à employer le terme de « robot » dans sa pièce R.U.R.

Le récit narre la découverte dans une petite île du Pacifique d'une espèce de salamandre humanoïde par le capitaine van Toch (un sacré personnage). Ces salamandres sont sociables, paisibles, corvéables et montrent une certaine habilité à se servir d'outils. Très vite, le marin va comprendre l'utilité de ces braves créatures, oubliées de l'Évolution, et va passer un marché avec eux, elles récolteront des perles contre des couteaux, un marché "gagnant-gagnant" mais qui ne s'arrêtera pas là... Car après van Toch, les salamandres passeront sous la coupe du capitalisme de marché, des firmes transnationales heureuses de trouver là une main d'oeuvre quasi-gratuite pour exécuter tout type de travaux sous-marins, puis ce seront les États (Européens surtout) qui verront dans les salamandres la chair à canon parfaite pour préparer et mener leurs guerres... On le sent cette folie ne peut que mal finir et je ne vous en dis pas plus sur ce qu'il adviendra lors de la Guerre des salamandres.

On l'aura compris, l'histoire des salamandres constitue une illustration parfaite des nombreux péchés de l'homme moderne. On y revoit son histoire, L'Histoire, sur un mode accéléré et peu flatteur. Tout y passe : colonialisme, frénésie capitaliste et recherche acharnée du profit, bellicisme, xénophobie, égoïsme, futilité et mégalomanie... L'humour ravageur de Čapek frappe toutes et tous à divers degrés : des gouvernements européens (dont l'Allemagne nazi et les puissances coloniales française et britannique) aux organisations syndicales en passant par les grandes sociétés privées et bien sur les hommes et femmes eux-mêmes : marins, scientifiques, militaires, starlettes hollywoodiennes, fils et filles à papa, actionnaires et bien sûr le citoyen moyen, « l'homme du commun » qui ne relève guère le niveau.

Mais au-delà de la satire et de la critique politique de nos sociétés, c'est aussi un vrai roman (ce n'est pas toujours le cas et c'est une chose qu'on peut reprocher à quelques ouvrages de science-fiction comme par exemple Défaite des maîtres et possesseurs où la fiction n'est qu'un prétexte) rempli d'humour et très agréable à lire. le style est très au point et le livre fourmille de trouvailles de son auteur qui font mouche : Par exemple, à un moment du livre, une des salamandres apprend l'anglais uniquement en lisant des journaux, elle devient une caricature de l'anglais moyen qui énumère des phrases toutes faites (titres sensationnalistes, phrases de réclame etc.) et des idées reçues. Un passage très savoureux parmi d'autres. Les chapitres classiques sont alternés avec divers textes (articles de journaux factices, comptes rendus de réunions etc.) qui donne une occasion de plus à l'auteur de produire quelques pastiches plutôt drôles.

Le roman n'est pas parfait mais on lui pardonne très facilement ses quelques imperfections : un rythme qui s'essouffle un peu vers les deux tiers du roman et (c'est sans doute davantage un parti pris qu'un défaut en tant que tel) la quasi absence de personnages auxquels s'attacher : seul le truculent capitaine van Toch nous est sympathique mais il s'efface avant la moitié du roman, les autres individus, peu marquants et plutôt antipathiques sont, pour la plupart, davantage des représentants d'une classe sociale ou d'une fonction que de « vrais » personnages de roman.

J'ai beaucoup apprécié cette lecture, aussi bien pour ses thèmes abordés que pour son style très original et agréable. Je recommande chaudement ce roman aux amateurs de science-fiction comme aux lecteurs curieux. Pour ma part, je reviendrai avec plaisir découvrir un autre livre de Karel Čapek.
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