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Critique de Laurence64


Cela débute comme un récit d'aventure avec son capitaine fort en gueule et en jurons (même malais). Jon van Toch, entre deux bordées d'injures maritimes, trois éclats de rire du lecteur, va découvrir ses tapa-boys, genre de salamandres hybrides et bipèdes, capables d'apprendre à parler, de pécher des perles et de servir de nourriture aux requins du secteur. En échange de couteaux pour occire le squale vorace et ouvrir les huitres, le tapa-boy pacifique va ramasser les perles pour le compte du Hollandais. L'association est aussi improbable que fructueuse.

Comme la salamandre a du castor en elle, le capitaine peut s'associer à son tour à un riche industriel afin de maçonner les côtes sous-marines. L'exportation de l'espèce insolite et son exploitation éhontée va démarrer et s'amplifier. le ton va se modifier. Ce que ne manque pas de nous annoncer Capek par la bouche d'un des personnages: "Nous remplaçons le roman d'aventures de la pêche des perles par l'hymne au travail". Exit Jack London. Place à la satire politico-journalistique, scientifico-capitaliste. Et j'en passe.

C'est sous la forme d'une encyclopédie débridée où les notes foisonnent (autant que les salamandres le long de toutes les côtes des cinq continents) que Capek mouline notre société humaine avec une maestria qu'il convient de saluer. La bestiole pullule, Capek exulte. La salamandre s'arme, Capek fourbit sa plume. Fantasque et lucide, loufoque et crédible, la fable gonfle dans un troisième temps sous le couvert d'une science-fiction orwellienne mais creusant plus loin, plus profond (les fonds sous-marins aidant). La salamandre a besoin d'espace vital. Elle menace. Elle exécute.

Après avoir exécuté le roman conventionnel, multiplié les personnages qui vont et viennent, les points de vue, les sources, Capek, l'antitotalitaire Tchèque, finit par discuter avec lui-même. le conte philosophique, visionnaire, peut s'achever. Ecrit en 1936, il ne cesse de se régénérer comme la queue de ses salamandres.
Etonnamment perspicace quant au devenir de l'Europe quelques années plus tard, jouissif dans la peinture des nations, la guerre des salamandres anticipe également les problèmes écologiques. "Pourquoi la nature devrait-elle corriger les erreurs que les hommes ont commises?" interroge Capek.

Etait-il trop aquatique pour sombrer ainsi dans les tréfonds de l'édition? Ou trop tchèque? Pas assez grave? A présent qu'il est remonté à la surface, souhaitons-lui une insubmersibilité tout salamandrienne.
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