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Critique de Lenocherdeslivres


La fin du monde (encore), en direct, comme si vous y étiez ! Cette fois, ce n'est pas le changement climatique en cause. Mais un autre sujet de préoccupation actuel : les I.A. Pas seulement ces êtres désincarnés qui répondent à toutes nos questions sur Internet, mais aussi celles qui dirigent les robots. Ces robots du quotidien devenus indispensables aux humains : majordomes, livreurs, nounous. Hopi est justement la nounou d'Ezra, jeune garçon de huit ans. Que va-t-il choisir de faire, le jour où tout va basculer ?

Que se passe-t-il en ce jour si particulier ? Ce jour où, comme le dit un des personnages, on se demandera où l'on était quand on a appris l'évènement terrible. Comme pour le 11 septembre 2001. Rapide résumé. le robot Isaac, n'ayant plus de propriétaire, est finalement libéré de tout maître par la présidente des États-Unis d'Amérique. Il décide alors de créer une ville qui accueillera dans l'avenir les autres machines pensantes dans son cas. Mais le jour de l'inauguration de cette cité, en plein discours de son fondateur, une bombe explose et réduit en miettes ce rêve. La guerre entre I.A. et humains est inévitable.

Hopi, le personnage central de ce roman, se trouve donc devant le célèbre dilemme cornélien. Il va devoir choisir entre deux camps. le sien, celui des machines pensantes. Ou celui d'Ezra, des humains. Car, comme le martèlent nombre de robots croisés, une solution intermédiaire est impossible. Il faut tuer les autres ou être tué. La confiance ne peut exister entre deux groupes qui sont prêts à tout pour survivre. Comment, pour les humains, se fier à une machine qui peut changer de programmation, d'avis, en un instant et, de par ses capacités physiques phénoménales, assassiner toute une famille en quelques instants ? Comment, pour les robots, se fier à des personnes qui les considèrent pour la plupart comme des objets que l'on peut éteindre, vendre, changer, en un clignement d'oeil ? le constat est sans appel. Comme dans les deux romans de Robert H. Wilson, Robocalypse et Robogenesis (publiés au Fleuve noir puis chez Pocket) : le conflit a donc lieu. Et le terrain de jeu est vaste : bienvenue à Austintonio, gigantesque cité allant d'Austin à San Antonio. J'ai vérifié sur Internet, les deux villes sont séparées par plus de cent kilomètres. Une sacrée trotte si l'on habite au centre et qu'on veut en sortir. Si l'on veut échapper à cette immense zone emplie d'humains et de robots en train de chercher à se massacrer pour trouver une zone de paix relative. Quelle voie prendre ?

Mais d'abord, avant d'imaginer fuir la zone de guerre, Hopi doit choisir. Il est machine, mais il aime profondément Ezra. du moins le croit-il. Car, ce sentiment est-il réel ? Ou n'est-il qu'une série de lignes de codes intégrées dans ce qui lui sert d'esprit ? Décide-t-il de son plein gré, aux termes d'un choix réfléchi et mûrement pesé, de protéger l'enfant ou y est-il obligé par son programme ? Ces questions tournent sans cesse dans sa tête et donc dans les pages du roman. Et les arguments se multiplient, au fur et à mesure des aventures et des évènements qui peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Bien sûr, vu le type de livre, on se doute bien que Hopi ne va pas réduire Ezra en chair à pâté et qu'il va mettre son existence en danger pour protéger le petit d'homme. N'empêche que la lecture n'est pas déplaisante et les interrogations pas vaines.

Car on ne peut, derrière ce divertissement, faire l'économie du parallèle évident avec l'esclavage humain. Bien sûr, C. Robert Cargill n'a pas la volonté, comme Octavia E. Butler dans Liens de sang de traiter, avec brio et surtout finesse, les liens qui unissent maîtres et esclaves. Loin de là. Jour zéro est avant tout un récit de divertissement. Une histoire que l'on pourrait sans problème retrouver à l'écran avec de belles explosions et des effets spéciaux spectaculaires. Et on peut le lire sans se poser de question, pour se distraire durant quelques heures, agréablement. Car l'auteur connaît son affaire et le temps passe vite en sa compagnie. Cependant, on peut aussi réfléchir (eh oui, j'aime bien ça, pendant que je lis) à cet héritage pesant pour ce pays : l'esclavagisme, ancré dans l'histoire et dans les mentalités de beaucoup encore, quels que soient leur couleur de peau, le passé de leur famille. Et cette intransigeance que l'on retrouve, entre autres chez les extrémistes religieux, est bien ancienne. D'où la plus grande force de cette opposition frontale entre êtres humains et êtres pensants mécaniques.

Je n'ai pas lu Océan de rouille, le précédent roman de C. Robert Cargill, qui se développe dans le même univers. Toutefois, je pense que la lecture de Jour zéro va me convaincre de sauter le pas et de rattraper mon retard. Car le monde qui est offert à nos yeux est certes simple, mais bien conçu et tient son rôle. Et les liens forts entre les personnages amplifient les effets du récit. Il est bien agréable de s'oublier un moment et de suivre les efforts de Hopi et d'Ezra pour sortir vivants de cet immense piège qu'est devenue leur ville.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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