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Critique de Biblioroz


Pas bien loin de chez moi, juste en face de la pointe de l'Arcouest, se trouve l'archipel de Bréhat, un lieu hautement touristique, destination incontournable pour tous les vacanciers venus poser leurs valises sur cette côte costarmoricaine. C'est le décor de cette histoire où une tragédie se noue, ballottée entre trois mois fatidiques- août, septembre et octobre 1987.

En ce mois d'août, l'auteur nous débarque donc à Bréhat, dans une masure de pêcheur à l'abandon. Deux collégiens, Florimond et Quentin, hermétiques aux racontars laissant planer que ce lieu est encore hanté par son dernier occupant, y font quelques feux nocturnes pour attirer les papillons de nuit et les piéger afin de parfaire leur collection de ces lépidoptères.

Sautons ensuite en octobre pour fêter les treize ans de Florimond avec le privilège de monter sur le phare dont son père Ambroise est un des gardiens. Ce phare imaginé par l'auteur pour les besoins de son intrigue emprunte des caractéristiques à l'un de ses frères s'érigeant sur un autre coin maritime et nous fait immanquablement penser à l'Ar-Men. Une blessure du coéquipier et père et fils se retrouvent seuls sur l'Oeil-du-Diable alors qu'une tempête d'une ampleur s'approchant de celle d'un ouragan se prépare, minimisée par les annonces météorologiques. Tandis que le vent s'acharne et que les vagues s'écrasent avec fracas au pied du phare, se détache, sur l'eau sombre, la blancheur d'un corps, entièrement dénudé, à la chevelure rousse.

Quelques semaines auparavant, à terre, Betty, la fille de la toute nouvelle compagne anglaise d'Ambroise n'est pas rentrée un certain soir. Très réservée, franchement pudique, la jeune fille aimait rechercher la solitude et à dix-sept ans, une fugue d'une anglaise déracinée peut sembler naturelle pour la gendarmerie de Paimpol.

Voilà les premiers galets d'une intrigue posés. Une intrigue qui va naviguer, se heurter et s'échouer parmi des écueils rocheux ceinturant l'île bretonne mais dont les reliefs acérés seront façonnés par un facteur humain qui, à lui seul, offrira les blessures les plus mortelles.
Par une succession des points de vue, l'auteur entretient la tension autour de plusieurs éléments qui peuvent prêter aux soupçons. Les anglaises laissent dans leur sillon un passé douteux qui se confirme dans leur besoin de s'isoler et de mettre la Manche entre elles et leurs vies britanniques. Les adolescents, complices, oscillant entre un monde de rêves enfantins et un éveil vers l'autre sexe, entretiendront un mystère autour de leur passion des papillons. La naufragée miraculeusement sauvée, classiquement amnésique comme bon nombre de traumatisées, s'interrogera sur sa véritable identité et cherchera la vraie nature de ceux qui l'entourent. Janet, la compagne anglaise, en proie à sa propre tempête intérieure se raccrochera à sa fille avec désespoir, nous faisant partager sa souffrance tout en frôlant la frontière de la démence.

Daniel Cario manie très bien cette sensation que tout sonne faux. Peut-on faire confiance à la mer ? Aux îliens taciturnes ? Au gardien de phare de plus en plus maussade ? Aux garçons un peu joueurs ? Betty est-elle Betty ? Et que s'est-il passé outre-manche pour que les répercussions se fassent sentir sur cet archipel au paysage sauvage où s'égaille une végétation presque exotique alors que son pourtour, aux arrêtes rocheuses, côtoie une ribambelle d'îlots et d'écueils ?
La corne de brume assourdit alors que ladite brume s'étend sans crier gare pour piéger marins et terriens dans son voile opaque. Si vous connaissez la rapidité et la surprenante irruption de la brume de mer, alors qu'il fait un soleil splendide quelques minutes auparavant, vous n'aurez aucun mal à la voir surgir au moment le plus propice dans cette histoire des Côtes d'Armor !
Les beautés et les dangers des bas-fonds rocheux seront le théâtre des dissimulations des uns et des autres.
La tempête venant des profondeurs des cieux est-elle la plus à craindre avec ses vents violents ou bien la violence des hommes la supplante-t-elle en intensité ?
Il suffit de remettre de l'ordre dans les évènements et l'auteur y parvient même s'il utilise des coïncidences sur lesquelles il vaut mieux passer en considérant que ce moment de lecture n'a pas pour objectif de s'ancrer dans du réel. En revanche, il exploite très bien les lieux, ayant pris soin de séjourner sur l'île et, spécialiste de la Bretagne, sait parfaitement en restituer toute l'ambiance et le climat. Les temps angoissants que vivent les personnages se partagent entre les moments passés au phare, ceux ballottés par les flots ou ceux arpentant cet archipel breton.

J'ai noté, sur certains thèmes, un petit écho avec Les Déferlantes de Claudie Gallay qui m'a laissé une sensation un peu gênante. Quelques redites ne sont pas du tout indispensables et auraient pu alléger de quelques pages ce roman sans lui enlever tout son sel ni son suspense.

Le moment de lecture reste agréable, divertissant, et sa résonance locale en fait un roman de proximité appréciable. L'intrigue ne manque pas de péripéties qui maintiennent l'envie de voir s'éclaircir et se dissiper les brumes enveloppant cette tragédie Bréhatine.
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