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Critique de Jahro


La harpe et l'ombre procure une sensation étrange. Non que sa lecture en soit désagréable ni lassante ; elle pourra même apparaitre fluide à qui survolera ses incessantes allégories. En refermant ses pages, on se dit qu'on s'en est plutôt bien tiré, qu'on a su filtrer l'impalpable et garder le principal, laisser l'obscur pour la lumière, tirer la moelle épinière de ce sac d'os et d'ors.
Puis on reprend le quatrième de couverture, et là stupeur – on découvre qu'on n'a pas saisi grand-chose. On parcourt les différents résumés qui jalonnent le net, et on comprend qu'on n'a pas compris. Que peut-être tel et tel n'étaient pas le même, qu'ici il y avait lui et là c'était un autre.

Oui, c'est la honte. Mais Alejo Carpentier ne nous facilite pas la tâche. Entre érudition crâne et désordre narratif, son écriture réclame attention et surtout connaissances. A moins d'être rompu à la théologie des océans, le lecteur enthousiaste aura tôt fait de calmer ses ardeurs.
Saviez-vous que Caïphe était une insulte ? Que la canonisation d'un homme se jouait dans un tribunal ecclésiastique entre un Protonotaire et un Avocat du Diable ? Connaissez-vous Cypango, Cathay, Chersonèse ? Des évidences pour l'auteur, qui ne s'embarrassera pas à nous les introduire. A nous de les sentir au fil des phrases, quand sans elles plus rien n'aurait de sens.

Alors une fois n'est pas coutume, laissez-vous guider par quelques indices. La harpe, c'est l'espoir, la révélation d'un Pape pour un Saint, l'admiration d'un découvreur de nouveaux mondes par son émule clérical. L'ombre, c'est le héros déchu, le fantôme invisible condamné à l'éternité, l'homme qui reste homme et l'âme qui reste à terre.
Et puis entre les deux, la main. Celle qui agit, celle par qui l'aventure prend tournure. A partir d'archives éparses et voilées, l'écrivain tisse les derniers souvenirs du navigateur, testament imaginaire couché sur papier en attendant la mort. Trouver les fonds, les appuis, les mécènes, les talents ; embarquer, voguer à l'aveugle, chercher les mots pour rester unis, affronter la colère du Très-Haut et les tentations du Démon. Les doutes, et puis les certitudes, et puis les déceptions, et puis la ruine. Cette partie est la meilleure, et Dieu merci la plus longue.

Que penser de ce roman ? Eh bien avant tout qu'il rend humble. Et qu'il est difficile de porter un avis tranché quand on se sait impuissant. S'il m'arrivait d'engager un Masters d'Histoire, promis je lui offrirais une seconde chance.

3/5
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