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Critique de berni_29


Je connaissais Raymond Carver depuis plusieurs années, mais je n'avais encore rien lu de lui. Ma première rencontre avec cet écrivain américain, je la dois à Philippe Djian, qui en parle souvent dans ses livres. Plus tard, j'ai découvert que l'acteur Jean-Pierre Marielle adorait particulièrement ce romancier et nouvelliste. Et plus récemment quelques échanges avec des amis de Babelio, notamment Anne et Idil, m'ont franchement convaincu d'y aller et d'aborder son oeuvre par ce récit de nouvelles, un de ses plus connus, Les Vitamines du bonheur. Voilà un peu posé comme cela une manière d'aller à la rencontre de cet écrivain.
Les Vitamines du bonheur, c'est un recueil de douze nouvelles, qui nous plonge dans l'Amérique profonde de la fin des années soixante-dix.
En effet, ces douze nouvelles nous racontent des tranches de vies ordinaires. C'est une facette de l'Amérique qui nous est révélée ici. Raymond Carver nous brosse une société américaine à travers des portraits de femmes et d'hommes, des familles, mais aussi des personnages solitaires, perdus dans une histoire, des existences souvent désoeuvrées, chaotiques, parfois ruinées, abimées par l'alcool, le chômage, la solitude, l'absence de sens, parfois tout cela en même temps...
Parfois une petite étincelle de bonheur transperce le paysage gris de ces nouvelles. Il faut s'en saisir très vite car elle est éphémère, fuyante.
Aux premières pages, on se surprend à s'étonner de l'absence d'étonnement. L'existence plate et a priori sans perspective des personnages peut en effet dérouter le lecteur et lui donner envie d'aller tout d'abord voir d'autres horizons. Pourtant, ce serait dommage de s'éloigner d'une telle peinture.
La solitude, l'absence de rêve, la tristesse, la résignation irriguent ces douze histoires. On sent peser sur chaque tableau le poids des jours médiocres, l'inutile attente d'un lendemain qui serait meilleur.
On n'y trouve en effet rien de romanesque ici, rien de transcendant au premier abord. Mais ces histoires nous dévoilent des fragments d'humanité, des mots qui se taisent brusquement parmi des gestes hésitants et cabossés.
Des couples qui se déchirent ou se séparent, la perte d'un enfant, un homme divorcé prenant le train pour rendre visite à son fils en France, un groupe d'alcooliques dans un centre de désintoxication, un réfrigérateur qui tombe en panne, une femme dans une salle d'attente avec un révolver dans son sac, une soirée partagée avec un aveugle...
Il y a toujours ici une occasion inouïe de découvrir ce qu'il y a derrière les pages, dans l'ombre de ceux qui s'y promènent, s'égarent.
Derrière la phrase d'apparence anodine de Raymond Carver, il y a tantôt de la dérision, tantôt de l'émotion, mais aussi une souffrance ténue.
L'écriture de Raymond Carver n'est-elle pas une forme d'empathie et de compassion pour des personnages dont certains sans doute lui ressemblaient étrangement ?
Alors je me suis demandé pourquoi l'écrivain laissait ses personnages au bord du gué, au bord du vide imminent, au bord de la page où tout pouvait encore se jouer. Et si, face à l'incapacité de vivre de ses personnages multiples et éparpillés, naufragés à la dérive, nous étions là, lecteurs, pour leur tendre la main, pour les guetter jusqu'au bout de leur histoire... L'auteur nous laisse alors peut-être le soin de leur offrir une dernière chance, une vie nouvelle, un destin éventuel, une manière d'exister peut-être enfin ou autrement, suspendus à notre imaginaire...
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