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sur 420 notes
Les écrivains tels Raymond Carver sont infiniment précieux: Ce sont eux qui captent ces vies de peu, de riens et qui les rendent magnétiques, captivantes.
Les auteurs comme Raymond Carver font partie de cette grande tradition des écrivains-voyageurs d'une Amérique aux vastes horizons. Ce sont ceux-là qui, issus de milieux modestes, se sont formés seuls à l'écriture... Et, qui d'autres qu'eux pouraient mieux nous conter ces faits insignifiants en apparence, monotones et gris, si peu bercés d'une musique autre, si chichement baignés d'une lumière différente que celles de l'auteur.
Ma rencontre avec la prose de Carver remonte aux années 80. C'est ma belle-soeur qui m'avait filé ces Vitamines du bonheur. Boîte de douze nouvelles de belle écriture.
... Maintenant, il est grand temps que je me remette au traitement Carver. Celui que je recommande à tous.
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Je connaissais Raymond Carver depuis plusieurs années, mais je n'avais encore rien lu de lui. Ma première rencontre avec cet écrivain américain, je la dois à Philippe Djian, qui en parle souvent dans ses livres. Plus tard, j'ai découvert que l'acteur Jean-Pierre Marielle adorait particulièrement ce romancier et nouvelliste. Et plus récemment quelques échanges avec des amis de Babelio, notamment Anne et Idil, m'ont franchement convaincu d'y aller et d'aborder son oeuvre par ce récit de nouvelles, un de ses plus connus, Les Vitamines du bonheur. Voilà un peu posé comme cela une manière d'aller à la rencontre de cet écrivain.
Les Vitamines du bonheur, c'est un recueil de douze nouvelles, qui nous plonge dans l'Amérique profonde de la fin des années soixante-dix.
En effet, ces douze nouvelles nous racontent des tranches de vies ordinaires. C'est une facette de l'Amérique qui nous est révélée ici. Raymond Carver nous brosse une société américaine à travers des portraits de femmes et d'hommes, des familles, mais aussi des personnages solitaires, perdus dans une histoire, des existences souvent désoeuvrées, chaotiques, parfois ruinées, abimées par l'alcool, le chômage, la solitude, l'absence de sens, parfois tout cela en même temps...
Parfois une petite étincelle de bonheur transperce le paysage gris de ces nouvelles. Il faut s'en saisir très vite car elle est éphémère, fuyante.
Aux premières pages, on se surprend à s'étonner de l'absence d'étonnement. L'existence plate et a priori sans perspective des personnages peut en effet dérouter le lecteur et lui donner envie d'aller tout d'abord voir d'autres horizons. Pourtant, ce serait dommage de s'éloigner d'une telle peinture.
La solitude, l'absence de rêve, la tristesse, la résignation irriguent ces douze histoires. On sent peser sur chaque tableau le poids des jours médiocres, l'inutile attente d'un lendemain qui serait meilleur.
On n'y trouve en effet rien de romanesque ici, rien de transcendant au premier abord. Mais ces histoires nous dévoilent des fragments d'humanité, des mots qui se taisent brusquement parmi des gestes hésitants et cabossés.
Des couples qui se déchirent ou se séparent, la perte d'un enfant, un homme divorcé prenant le train pour rendre visite à son fils en France, un groupe d'alcooliques dans un centre de désintoxication, un réfrigérateur qui tombe en panne, une femme dans une salle d'attente avec un révolver dans son sac, une soirée partagée avec un aveugle...
Il y a toujours ici une occasion inouïe de découvrir ce qu'il y a derrière les pages, dans l'ombre de ceux qui s'y promènent, s'égarent.
Derrière la phrase d'apparence anodine de Raymond Carver, il y a tantôt de la dérision, tantôt de l'émotion, mais aussi une souffrance ténue.
L'écriture de Raymond Carver n'est-elle pas une forme d'empathie et de compassion pour des personnages dont certains sans doute lui ressemblaient étrangement ?
Alors je me suis demandé pourquoi l'écrivain laissait ses personnages au bord du gué, au bord du vide imminent, au bord de la page où tout pouvait encore se jouer. Et si, face à l'incapacité de vivre de ses personnages multiples et éparpillés, naufragés à la dérive, nous étions là, lecteurs, pour leur tendre la main, pour les guetter jusqu'au bout de leur histoire... L'auteur nous laisse alors peut-être le soin de leur offrir une dernière chance, une vie nouvelle, un destin éventuel, une manière d'exister peut-être enfin ou autrement, suspendus à notre imaginaire...
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J'ai déjà eu l'occasion de raconter ici ma découverte tardive du genre de la nouvelle, pratique devenu addictive depuis. Au point d'avoir toujours en parallèle de mes autres livres, un recueil en cours, généralement américain, distillant ces short-stories au rythme d'une chaque jour.

Autant attiré par la belle couverture de Maya Palma que par l'envie de combler une lacune classique, je me suis jeté dans Les Vitamines du bonheur de Raymond Carver – traduit par Simone Hilling – réédité récemment dans l'opportune Bibliothèque de l'Olivier.

Douze nouvelles. Douze histoires où il ne se passe rien. Enfin pas grand-chose. Mais où il se dit tant. Juste des petits fragments d'existence, insignifiants pour ceux qui n'y sont pas inclus, mais tellement impactants pour leurs protagonistes. Douze histoires banales d'individus de la middle-class américaine, dont l'apparente banalité masque souvent les dilemmes qui les rongent.

Les héros de Carver ont en commun leurs fragilités : sociales, financières, familiales ou amoureuses. Qui se cumulent bien souvent et dont ils rêvent de sortir un jour. L'alcool, les vitamines, une rupture, une rencontre ou un voyage peuvent sembler le début du rebond. Généralement illusoire.

Il y a chez Carver une ambiguïté formidable qui me fascine à chaque lecture : sa capacité à traiter de sujets humainement complexes, durs et souvent dramatiques, avec une distance assumée qu'aucun adjectif ou artifice de style ne vient amplifier. Comme s'il tenait à laisser le lecteur faire sa part de chemin vers l'empathie ou le jugement, la compassion ou l'émotion.

Chacun réagira ainsi différemment selon son degré de distance ou de proximité avec la galerie de personnages présentés. Mention spéciale pour ma part à l'improbable trio décrit dans le Train, personnages passant de rencontres tragiques nécessitant un minimum de compassion à l'anonymat subit et à l'indifférence.

Mais aussi cette maison de Chef, ou quand le toit du bonheur simple enfin trouvé, d'un seul coup vous échappe sans rien n'y pouvoir ; Conservation et les affres du chômage, qui voit la mort d'un frigo faire à nouveau espérer le retour à une vie normale ; le sublime le compartiment décrivant le rendez-vous manqué d'un père avec son fils et son passé ; et enfin La Bride et sa morale qui rappelle qu'une simple pression sur le mors te permet de redevenir maître de ta vie, capable en un instant de bifurquer dans un sens ou dans un autre.

Condensé de fulgurances heureuses et dramatiques à la fois, les nouvelles de Carver sont certes un brin fatalistes, mais tellement universelles qu'elles traversent parfaitement le temps et les époques.
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Véritable anti feel-good book, «Les vitamines du bonheur» est une mine de pépites brutes, denses, et plombantes.

Instantanés banals, ces nouvelles au fort pouvoir d'évocation relatent, sans jugement ni affectation, le fatalisme, le découragement et le renoncement de personnes en situation d'échec dans la société américaine.

D'une plume simple et détachée, mais jamais cynique, Raymond Carver présente des fragments de l'existence d'individus modestes, en proie à des difficultés en rapport avec l'alcoolisme, les relations de couple, le chômage, la mort...

Souvent embourbés dans leur médiocrité, ses personnages sont résignés à subir une vie grise et morne qui ne leur apportera que de rares et éphémères moments de bonheur.

Pas d'action, pas de nobles sentiments, pas de «philosophie de la vie» ! Juste du vécu.

En quelques pages, sans grands mots ni belles phrases, l'auteur capte les gestes et les paroles du quotidien.
Et grâce à la justesse de ses descriptions et des dialogues, il rend tangible le vide des vies étriquées de ces anonymes fragiles et désillusionnés.

Percutant et profondément triste !
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Un grand merci à GeraldineB qui m'a conseillé ce livre. C'est une très belle découverte.
12 nouvelles ayant pour cadre l'Amérique profonde, celle du quotidien, la vie de tous les jours avec ses peines et ses joies (plus souvent ses peines), ses imprévus. Il suffit de presque rien pour se retrouver sur le fil du rasoir. Tout est fonction des aléas de la vie, et la manière de s'y adapter. La vie de ces personnages, pas tout à fait déclassés ou alors de petite classe moyenne, est décrite avec beaucoup de compassion mais sans misérabilisme. Difficulté des relations, supporter l'autre comme il est. Certaines nouvelles sont vraiment bouleversantes, comme celle de cet homme qui se prépare à rencontrer son fils en France, après plusieurs années de brouille. L'auteur sait maintenir le suspens pour décrire des situations insolites, incongrues, parfois allant jusqu'à l'absurde. Pas forcement de chute surprenante, mais un juste équilibre qui nous ramène à nous-même, à la fragilité de l'existence. Et la vie continue malgré tout...
Sachant que Carver s'est battu quasiment toute sa vie contre son addiction à l'alcool, certaines nouvelles paraissent assez autobiographiques.
A découvrir.
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C'est mon 4ème livre de Raymond Carver et je reste globalement assez déçu, je trouve les nouvelles sans réelles consistances.

Le style d'écriture est très pur, très précis. Ce sont des descriptions plutôt sinistres de l'Amérique profonde mais je peine vraiment à y trouver un réel intérêt de lecture.
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On est bien loin de l'American Dream avec ce recueil de Carver. Au contraire, l'auteur brosse au fil de douze nouvelles le tableau de la réalité sociale de l'américain moyen, à la fin des années soixante-dix. Il dessine de nombreux portraits d'hommes et de femmes enlisés dans des existences râtées et pathétiques, des gens ordinaires qui vivent tant bien que mal avec leurs galères.
Dans Les vitamines du bonheur, les couples se déchirent, le chomâge sévit, l'alcool détruit, pendant que le poste de télévision envoie ses images du matin au soir. de futilités en bassesses, d'égoïsme en désespoir, chacun transporte sur son dos sa petite vie médiocre parsemée de minuscule moment de bonheur dans une grande tristesse.
Les personnages de Carver n'ont aucune aspiration, aucune attente particulière. Leur vie est plate, sans désir et sans issue. L'atmosphère créée par l'auteur met souvent mal à l'aise, ses phrases sont simples et souvent percutantes. Il manie l'absurde avec habileté, oscillant entre la dérision et l'ironie. Il parvient pourtant à émouvoir le lecteur en distillant dans certaines nouvelles de la compassion pour ses personnages.

Quelques mots sur les douzes histoires, douze points de vue différents de la condition humaine selon Carver :

Plumes
Un dîner chez un couple nanti d'un affreux bébé, d'un paon et d'un étrange moulage de dents...

La maison du chef
Un ancien alcoolique est contraint de quitter la maison dans laquelle il avait retrouvé la sérénité avec sa femme...

Conservation
Un type vient de perdre son boulot quand son frigidaire tombe en panne...

Le compartiment
Un homme divorcé décide finalement de ne pas revoir son fils qui l'attend sur un quai de gare...

C'est pas grand chose mais ça fait du bien
Un petit garçon vient de mourir, ses parents se consolent auprès d'un pâtissier...

Les vitamines du bonheur
Une jeune femme tente de gagner sa vie en vendant des vitamines à domicile...

Attention
Un homme a quitté le foyer conjugal, sa femme lui rend visite dans son nouvel appartement, alors qu'il a une oreille bouchée...

Là d'où je t'appelle
Un groupe d'alcooliques dans un centre de désintoxication...

Le train
Une femme attend son train dans une salle d'attente, un révolver dans son sac...

Fièvre
Un père de famille abandonné par sa femme s'occupe de ses enfants jusqu'au jour où une nourrice vient les garder...

La bride
Ruinée, une famille vit quelques semaines dans un motel, l'homme dépense son argent dans les courses de chevaux...

Cathédale
Un couple pris dans la routine reçoit la visite d'un aveugle – ami de la femme – quand ce dernier dessine une cathédrale...

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« - Qu'est-ce que vous diriez ? Elle soupire et se renverse dans le fauteuil. Elle me laisse sa main. « Les rêves, vous savez, ça ne dure pas. Il y a toujours un moment où on se réveille. Voilà ce que je dirais » Elle lisse sa jupe sur ses genoux. « Si quelqu'un me demandait, voilà ce que je dirai. Mais on ne me demandera pas », citation p.218.
Ce recueil est fait de douze nouvelles, douze tranches de vie, douze histoires d'américain.e.s ordinaires, douze récits existentialistes. D'où émerge la précarité de l'américain moyen, ces « abimés » de la vie, l'ennui et l'effarement du quotidien, à la marge ... sombre. La mélancolie et le désespoir de gens simples qui ont des espoirs. L'universalité des rapports humains : la recherche du bonheur, de l'amour, ou plus simplement d'un sens à la vie, d'un équilibre …
p. 178 « … mais elle affirmait qu'elle était heureuse. Heureuse. Comme si, pensa Carlyle, le bonheur était tout dans la vie ».
Des phrases courtes, un style épuré, sec et précis. Une écriture efficace ; efficace dans le sens : simple, juste et compréhensible. Une langue où les ellipses tiennent lieu de suspens.
p. 128 « de toute façon, il faut tenter quelque chose. On va d'abord essayer ça. Si ça ne marche pas, on essayera autre chose. C'est ça la vie, non ? ».
Raymond Carver excelle dans ce genre-là, peut-être parce qu'une grande partie de sa vie, il a vécu précisément dans ce milieu ; il est donc également légitime, en plus d'avoir du talent, c'est important aussi, la légitimité. Allez, salut.
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"Dans l'écriture, le désordre et le débraillé me font horreur ! " (R Carver)

Je suis venu aux nouvelles de Raymond Carver par Ciseaux, fiction de Stéphane Michaka, qui raconte les démêlés de Carver avec son éditeur Gordon Lish et propose une profonde réflexion sur l'écriture, prise entre la fièvre de l'ambition et le couperet de l'édition. En attendant Ciseaux en commande, j'ai lu le recueil Les vitamines du bonheur qui reprend douze textes écrits entre 1980 et 1983.


Après lecture d'un premier récit, une question légitime serait: où veut-il en venir ? Carver raconte bien entendu des histoires mais pas au sens ordinaire, avec la présentation d'une situation initiale qui évoluerait vers une autre plus ou moins conclusive, heureuse ou non, assortie d'une chute surprenante voire d'une pirouette bluffante. Non: voici des gens pendant un laps de temps limité, qui vivent un moment de crise, s'y débattent et dialoguent, plan après plan, c'est brut et concis, puis l'auteur les plante, en laissant au lecteur le soin de leur imaginer un destin éventuel. Il y a du Yves Ravey chez Carver – l'inverse plutôt – même si l'Américain ne cherche pas nécessairement à induire le suspense.

L'article d'une inconditionnelle, Martine Laval, rapporte joliment comment Carver observe le monde alentour. Maître incontesté de l'ellipse, maniant l'art du mine-de-rien, "Carver écrit le silence, non pas celui de la sérénité, mais celui de l'abattement, de l'effondrement. Ses phrases semblent anodines, insignifiantes ? Faux. Au détour d'une virgule, elles annoncent l'imminence de la catastrophe. L'abandon, la trahison, la lâcheté. La solitude. le débrouille-toi. Personne n'y peut rien. C'est comme ça. C'est la vie."

On peut penser que Carver compose d'une traite ses histoires élégamment fluent. Dans ses périodes fécondes, il passe de dix à quinze heures d'affilée devant sa table, à relire et réécrire. "Il ne faut pas beaucoup de temps pour écrire le premier jet d'une histoire, une séance habituellement, mais il en faut davantage pour écrire les diverses variantes. J'ai été jusqu'à écrire vingt ou trente versions du même récit. Jamais moins de dix ou douze." (traduit de The Paris Review n°76). Il épluche les phrases, pose des mots et tait beaucoup, calcule la place d'une virgule, impose une respiration, l'essentiel en creux pour faire éclore l'émotion.

(suite sur Marque-pages)

Lien : http://christianwery.blogspo..
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Carver me fait penser au peintre Hopper. Ses descriptions semblent réalistes, et cependant il y a quelque chose qui cloche , ou plutôt qui accroche. La situation en elle-même est triviale ou absurde, en tout cas elle produit de l'angoisse. Il y a un malaise palpable dans ces scènes du quotidien. Dans les tableaux de Hopper, c'est la même chose. Assis au bar sous un néon blafard, des personnages se regardent en coin, ils attendent quelqu'un ou quelque chose, le drame couve. Carrée dans un fauteuil, une femme seule attend, dans une salle dont c'est la fonction. Pourquoi l'inquiétude, si diffuse imprègne-t-elle notre compréhension de la scène, si banale?Dans un train sous la lampe une autre femme seule lit. Est-ce le début d'une histoire effrayante? Plus généralement, la solitude, l'attente, le vide, l'absence de rêve, infiltrent les images du peintre comme les nouvelles du romancier. Chacun des deux me paraît à sa façon témoigner de ce qu'H. Miller nommait : Cauchemar climatisé. Enfer, aussi bien.
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