AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


L'existence de ce recueil est très intimement liée à la sortie du film Short Cuts de Robert Altman en 1993 qui puise sa matière de ces neuf nouvelles et de ce poème. Les nouvelles qui constituent ce recueil proviennent à l'origine de recueils différents et ayant des dates de publication différentes s'échelonnant sur plus de quinze ans de la production de Raymond Carver.

Il est important de noter que le choix de réalisation qu'a fait Robert Altman, à savoir, entrecroiser toutes les histoires simultanément, dénature profondément l'écriture de Carver, qui, lui, nous propose des histoires indépendantes et très linéaires, prises une à une. Ceci pourrait avoir tendance à faire croire que l'écriture de Carver se rapprocherait de celle d'un Dos Passos, dans Manhattan Transfer, par exemple, qui mélange les destins de nombreux personnages non connectés, or il n'en est rien. Ce procédé n'est pas inintéressant et se prêtait particulièrement bien au propos du réalisateur, de vouloir brosser un tableau de l'Amérique moyenne contemporaine, mais ne correspond pas vraiment aux caractéristiques propres de l'écriture de l'auteur qui nous occupe aujourd'hui.

Ce sont donc dix histoires, déconnectées, mais ayant toutes un rapport avec l'Américain moyen, monsieur tout-le-monde, avec ses petits travers, avec ses coups de malchance, avec l'air du temps.

1) De L'Autre Côté Du Palier nous évoque le comportement légèrement envieux d'un couple d'amis qui gardent l'appartement de leurs voisins et se permettent quelques libertés en leur absence.

2) Ils T'Ont Pas Épousée est sans doute l'une des plus pathétiques — au sens pitoyable —, mais ne faisant écho qu'au pathétique — au sens minable — de certaines personnes, en l'occurrence un homme qui écoute les commentaires de certains pauvres types à propos du physique de sa femme et qui, ce faisant, lui impose des changements d'hygiène de vie drastiques.

3) Les Vitamines Du Bonheur abordent plusieurs thèmes, dont celui de la réussite professionnelle des femmes, dont celui de l'empiètement de la vie professionnelle sur la vie privée (plus d'actualité que jamais !) ou encore, celui, assez omniprésent chez Carver, de l'adultère.

4) Tais-Toi, Je T'En Prie, Tais-Toi ! est une Xème mouture de l'adultère et de ses conséquences selon Carver. Ici, l'évocation d'un simple souvenir, battement d'aile de papillon au Cap et qui provoque une tornade à Los Angeles…

5) Tant D'Eau Si Près De La Maison est une nouvelle assez inclassable, qui nous présente le prosaïsme et le manque d'empathie d'un groupe de copains partis à la pêche auprès d'une rivière sauvage et qui, découvrant un cadavre, terminent bien tranquillement leur partie de pêche avant de prévenir les autorités,puisque, de toute façon, il n'y a plus rien à faire pour elle…

6) C'Est Pas Grand-Chose, Mais Ça Fait Du Bien est, selon moi, la nouvelle la plus aboutie et la plus intéressante du recueil, en tout cas, c'est ma préférée. Elle nous conte un fait divers, une maman qui commande un gâteau d'anniversaire chez le pâtissier pour son fils et fils en question qui se fait faucher par une voiture le jour de l'anniversaire en question. L'angoisse des parents et la scène d'hôpital est magistralement rendue, de même que la scène finale que je vous laisse découvrir.

7) Jerry Et Molly Et Sam est encore une nouvelle bien sentie où le cadeau empoisonné d'une chienne bâtarde aux enfants devient le révélateur d'une vie loupée pour le père de famille. Très finement observé…

8) L'Aspiration, autre nouvelle un peu atypique du recueil, qui surfe sur la futilité de notre statut d'individu consommateur, pas si éloignée d'après moi de la pièce de Miller, Mort D'Un Commis Voyageur.

9) Dites Aux Femmes Qu'On Va Faire Un Tour (et je vous laisse deviner ce qui peut bien passer par la tête de deux copains de longue date, légèrement encroûtés dans leur vie de jeunes papas, lorsqu'ils ont quartier libre pour la journée…)

et enfin 10) Citronnade, un poème vaguement poétique, qui montre le regret d'un père qui demanda à son fils d'aller faire quelque chose et qui n'en revint jamais. Et si je ne lui avais pas demandé, et si…, et si…, et si… Bref, l'éternelle chaîne de causalité et l'éternelle vacuité de la vie.

En somme, un recueil solide, quelque peu inégal, je trouve, mais qui a le mérite de présenter un certain panorama de l'Amérique, ce qui a son intérêt et Robert Altman ne s'y est pas trompé. Peut-être pas un indispensable, mais un bon moment à passer par un orfèvre ès nouvelles. Mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          720



Ont apprécié cette critique (67)voir plus




{* *}