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Critique de Acerola13


Bienvenue dans un monde automatisé, intelligent, où toutes les décisions pourront bientôt être prises de manière autonome par une intelligence supérieure et indépendante libre de tout entrave...

Heureusement qu'Antonio Casilli est là pour déconstruire ce mythe d'une automatisation complète que nous rabâchent GAFAM et startups, et rétablir une vérité invisible : celle d'une nouvelle organisation du travail numérique, qui n'échappe pas à un découpage des tâches et à une externalisation de la nouvelle classe ouvrière du clic !

A travers une analyse structurée et illustrée de ce que l'on nomme désormais le "digital labor", l'auteur revient sur la qualification d'entreprise en tant que plateforme, ce qui permet de s'absoudre d'une certaine responsabilité, et de masquer l'entraînement finalement très humain des algorithmes. La valeur ajoutée de ces plateformes gratuites est produite par leurs utilisateurs, qui travaillent eux aussi gratuitement, et ce de manière volontaire (à l'image des nombreux lecteurs et critiques de Babelio, d'ailleurs cité par Casilli !). le travail et la production de valeur sont donc désormais délégués à un réseau, qui, par son travail de qualification (notes, ranking, évaluation des produits), permet à la plateforme de monétiser (vente des données, centralisation de paiement, monétisation de sa communauté pour les publicitaires), puis enfin d'automatiser une partie de son contenu...sans devoir pour cela payer en tant que salariés ceux qui ont produit une partie de cette valeur ! C'est aussi ici qu'intervient une "gamification" de l'utilisation de certaines plateformes, à travers des récompenses, des badges qui incitent les utilisateurs à s'investir et à fournir toujours plus de contenu utile à la plateforme.

L'exemple d'Uber est évidemment emblématique : en plus d'introduire le terme de "surge pricing" (tarification dynamique), il illustre également la manière dont chauffeurs et utilisateurs produisent (à leur insu ?) des données qui seront ensuite valorisées par la plateforme : notations, données de géolocalisation, temps morts et pics de demande...

Face à ce prolétariat numérique qui travaille et créé de la valeur pour presque rien, les grandes plateformes répondent que l'investissement de leurs membres a une valeur sociale, que ces derniers prennent du plaisir à contribuer à un projet : en bref, les enferment dans une posture d'amateur plutôt que de professionnel, de contributeur libre plutôt que de travailleur ayant des droits associés.

En attendant des robots est un merveilleux exposé du digital labor tel qu'il existe aujourd'hui, et permet, grâce aux nombreux exemples analysés, de préciser de nouvelles notions propres à ce travail numérique où des clics humains participent d'un mythe d'intelligence artificielle. S'opposant aux dérives des plateformes, Antonio Casilli propose la reconnaissance du digital labor comme travail salarié à part entière, une cohérente redistribution de la valeur créée, ainsi qu'une convention collective autour des données, qui permettrait de considérer ces dernières comme une propriété inaliénable de l'utilisateur, ou a minima d'introduire une notion de fiscalité des données...

Un essai complet et fascinant, qui décortique l'envers des interfaces que nous utilisons quotidiennement. A lire d'urgence !
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