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Critique de raton-liseur


Willa Cather semble faire partie des auteurs classiques américains qui n'ont pas traversé l'Atlantique. En France, la plupart de ses romans sont introuvables ou peu s'en faut. C'est donc en anglais que je l'ai lue, grâce au Projet Gutenberg qui met nombre de ses titres à disposition des lecteurs. Cela faisait un moment que je voulais découvrir cette autrice. Je l'ai nominée pour une possible lecture de groupe, et comme elle a remporté le plus de suffrages, je n'avais plus d'excuse pour remettre cette lecture à plus tard, et je suis contente d'avoir enfin franchi le pas !
Ce roman, le premier de la trilogie de la plaine (mais sans lien romanesque avec les deux autres, semble-t-il, c'est plus une unité de lieu assez lâche qui définit cette trilogie), se concentre sur le personnage d'Alexandra Bergson, qui prend la tête de l'exploitation familiale lorsque son père meurt prématurément. Issue d'une immigration suédoise récente, Alexandra se retrouve à devoir gérer une ferme qui croule sous les dettes, dans l'état du Nebraska, lui aussi de colonisation récente. Alexandra est donc de cette première génération de pionniers qui doit apprivoiser la terre, qui doit faire le dos rond quand les plantations ne donnent pas, qui doit trouver un équilibre entre origines et nouveau monde. Il est intéressant de noter que l'histoire commence dans les années 1880 (et s'étendent sur un peu plus d'une quinzaine d'années). 1880, et l'on parle de pionniers, de terre vierge. J'ai pris conscience, je crois, de ce que l'on veut dire que on dit que les Etats-Unis n'ont pas d'histoire. le Nebraska n'est devenu un état américain (et pas le dernier!) qu'il y a 154 ans, alors que la plupart des pays européens étaient presque dans leurs frontières actuelles. Cela veut dire aussi que ces terres n'ont pas connu d'autre forme d'agriculture que cette agriculture extensive et motorisée, alors qu'elle est chez nous le fruit d'une lente évolution. Lorsque nous parlons de revenir à des pratiques plus intensives en main-d'oeuvre et plus respectueuses de la terre, ce retour en arrière n'est juste pas possible dans ces endroits… Je m'éloigne peut-être un peu du roman, mais j'ai trouvé cela vertigineux lorsque j'en ai pris conscience en voyant Alexandra commencer à investir dans des grands silos et des moissonneuses.
Mais ce livre est loin de n'être qu'un précis d'histoire agricole, c'est avant tout un chant d'amour à la terre. Alexandra devient fille de cette terre où elle est arrivée un peu par hasard mais qu'elle a choisi de faire sienne. Elle est cheffe de famille, mais sa vraie famille, au fond, c'est la terre, ce sont ses champs. Un attachement d'ailleurs assez ambigu puisque cette terre est tout pour elle, mais ce dont elle rêve pour son petit frère, c'est d'un métier qui ne le lie pas à cette terre, qui lui permette de voir autre chose. Elle est à la fois reine et esclave de sa terre, un esclavage qui certes semble la rendre heureuse, mais un esclavage quand même.

S'il y a des choses très intéressantes dans ce livre, j'y ai trouvé quelques défauts. le plus important est le saut de 16 ans qu'il y a entre le début du roman et le reste. Les 16 ans qui établissent la ferme, qui construisent ce lien, cette chaîne entre la terre et Alexandra, les 16 ans de renoncement, de pauvreté, de difficulté, de privations… Je me suis sentie flouée de ne pas voir ces 16 ans, qui auraient été pour moi le plus intéressant, le coeur de ce roman. J'ai eu l'impression d'arriver quand tout était joué, et cela m'a beaucoup déçue. Heureusement, les descriptions des paysages et de l'attachement à la terre sont tout simplement merveilleux, et rien que pour eux, j'ai aimé, et plus qu'aimé, cette lecture.
Une autre chose qui m'a troublée, c'est l'absence totale des autochtones. Willa Cather affirme à plusieurs reprises le caractère vierge de cette terre, le fait que ces pionniers sont les premiers à la fouler. Ils sont peut-être les premiers à la domestiquer, mais ils ne sont pas les premiers à y vivre (le nom même de l'État en atteste). Aujourd'hui, on n'accepterait pas une telle lecture de l'histoire du pays, mais Willa Cather a écrit ce roman au début du XXème siècle, et elle a fait partie, enfant, de ces pionniers, ce qu'elle dit est donc une représentation intéressante de la mentalité de l'époque, et elle n'a pas grand chose de surprenant.

En définitive, voilà une découverte très intéressante d'un classique américain qui mériterait d'être plus connu de notre côté de l'Atlantique. Willa Cather est une autrice que je découvre avec beaucoup de retard, mais maintenant que j'ai commencé, je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin.
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