Brigantessa

Dans la forêt règne la patience du temps figé : la tarentule prend le soleil devant son repaire, à la même place que la veille, l’alouette est revenue. C’est la patience du prédateur qui se tient immobile, comme mort, pendant des heures et des jours avant d’attaquer ; c’est aussi celle de l’homme en prière. C’était la nôtre, dans l’attente du moment propice pour passer à l’action.

Italie est né le 17 mars. Et bien vite. Tout le monde s’est rendu compte que cette révolution apparente n’était qu’une mise en scène.

Mais le destin s’abat sur vous sans crier gare, tandis que vous êtes occupé à mener une autre bataille, et il ne vous reste plus assez de forces pour chercher ne serait-ce qu’un brin de bonheur.

Voilà comment nous sommes devenus journaliers, livrés aux caprices des « messieurs ». Manquer d'espace était le cadet de nos soucis. A la fin du mois, quand il n'y avait rien à manger, la faim se faisait sentir (...) mais nous évitions d'y penser, nous évitions tous d'y penser de peur de perdre la tête. (...)
Nous digérions notre faim et nous nous réveillions le matin en nous rappelant que la dignité - « La dignité ! » répétait papa - était un bien dont personne ne devait nous priver.
(p. 23)

Tu avais raison,papa. Chez nous, les choses ne changent que pour éviter de changer.

C’était moi, bien sûr, et je n’étais pas un homme, pour rien au monde je n’aurais voulu en être un. Depuis deux ans, je ressemblais davantage à Bacca qu’à un homme, et il n’y a rien de plus éloigné d’un homme qu’une louve.

Nous sommes des femmes, Mari, il aurait mieux valu être des hommes. Nous ne pouvons que subir. Fais attention, car il n'y a pas beaucoup d'hommes honnêtes.

La misère est la principale raison, la source intarissable de tous les maux de la société, un abîme grand ouvert qui engloutit toutes ses vertus. La misère aiguise le poignard de l'assassin, prostitue la femme, corrompt le citoyen, procure des satellites au despotisme.

Si tu veux avoir des droits, si tu veux changer ton destin, il faut que tu lises, il faut que tu fasses des études.

Nous digérions notre faim et nous nous réveillions le matin en nous rappelant que la dignité - "La dignité !" répétait papa - était un bien dont personne ne devait nous priver.