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Critique de motspourmots


Surtout, lorsque vous serez face à ce pavé sur les tables des libraires, ne vous laissez pas décourager par son épaisseur, ce serait vraiment dommage. Dommage de passer à côté d'un véritable tour de force dont les pages transpirent le plaisir pris par l'auteure en l'écrivant. Plaisir qui se transmet progressivement au lecteur, de plus en plus heureux au gré de sa progression, alors que l'ingéniosité de la construction narrative provoque une connivence jouissive entre l'auteure et son lecteur.

J'ai eu la chance de découvrir ce livre en avant-première, grâce à une opération menée conjointement par le site Babelio, les éditions Buchet Chastel et l'ambassade de Nouvelle Zélande qui célèbrera en 2015, soixante-dix ans de relations culturelles avec la France. Chance également de rencontrer l'auteure, une jeune femme de 29 ans dont c'est déjà le second roman, couronné par le Man Booker Prize en 2013. La sortie officielle de la version française est prévue le 1er janvier 2015 et sa promotion bat son plein. Et croyez-moi, ce bouquin mérite vraiment de rencontrer un large public.

L'histoire prend place en 1866, en Nouvelle-Zélande, dans la ville de Hokitika, un port en plein développement grâce notamment à la ruée vers l'or. Douze hommes sont réunis au bar d'un hôtel dans lequel vient d'arriver Walter Moody, un jeune britannique venu comme la plupart des habitants de la ville chercher fortune, changer de vie et laisser son passé derrière lui. Ces hommes ne sont pas là par hasard. Deux semaines auparavant, plusieurs événements mystérieux se sont produits - Emery Staines, l'un des prospecteurs les plus chanceux a disparu et Anna Wetherell, une prostituée a été retrouvée inconsciente au beau milieu d'une route - et ils veulent mettre en commun les fragments d'informations détenus par chacun d'entre eux dans le but d'élucider ces mystères. Dans un pays encore neuf où se côtoient des émigrants de tous continents (chinois, français, anglo-saxons...), où chacun a ses secrets, son passé et pas mal de choses à cacher, mettre au jour la vérité ne va pas s'avérer très aisé.

"Messieurs - (le titre rendait, certes, un son étrange, appliqué à la compagnie hétéroclite réunie dans la salle) - j'affirme qu'il n'y a pas de vérité entière, il n'y a que des vérités pertinentes... Or la pertinence, vous en conviendrez, est toujours une affaire de perspective."

Il y a donc ces mystères à élucider, des disparitions en pagaille, de l'or qui se balade entre malles et coutures de robes, une usurpation d'identité, des "retours gagnants", des mensonges, des naufrages, des faux en écriture... Et voilà le lecteur embarqué dans ce qui tient autant de la chasse au trésor que du Cluedo, mâtiné d'astrologie. Chacun des personnages correspond à un élément astral, chacune des parties du livre à une date à laquelle est associée la carte des planètes dans les différents signes. Et l'intrigue avance en fonction des mouvements des planètes... Une façon originale et romantique de parler de destin ou de pré-destination.

Le roman est construit comme une spirale, un tourbillon qui s'affine au fur et à mesure des tours qu'il réalise sur lui-même. Chaque partie a un nombre de pages inférieur de moitié à celui de la précédente pour arriver à la dernière où, sur une simple page, l'ordre des événements de ce fameux 14 janvier 1866 est enfin reconstitué. D'où une impression d'accélération de l'intrigue après les deux-tiers du livre. A ce moment, le lecteur est déjà ferré, avide de connaître le fin mot de l'histoire, totalement accro à ces personnages dont la personnalité évolue sans cesse en fonction de la perspective depuis laquelle on les observe. Tout ceci servi par une belle écriture, dans la veine de celle des romanciers du 19ème siècle, ronde, précise, descriptive.

Plusieurs jours après avoir refermé ce livre, je suis encore sous le charme. Je parlais de tour de force en commençant cette chronique et c'est vraiment l'impression que laisse cette lecture. On est stupéfait autant que conquis par la dextérité de l'auteure. Heureux aussi d'avoir été jugé assez intelligent pour être invité à partager son jeu. Eleanor Catton aime créer. Et visiblement, elle aime ses lecteurs.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Buchet Chastel pour cette magnifique découverte et à l'ambassade de Nouvelle Zélande qui nous a accueilli avec beaucoup de chaleur à l'occasion de la rencontre avec l'auteure.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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