Quand on finissait par les voir, on perdait en spontanéité : on n’osait pas saisir la main du patient, le prendre dans nos bras…
Et les émotions étaient en plus gommées par les masques.
Mais parfois, je l’avoue, c’est plus fort que moi, encore maintenant, j’enlace mon patient, je lui fais une petite caresse sur la joue…
La distanciation physique n’est pas respectée, mais j’ai au moins l’impression de rester humaine.
En mars, le matériel manquait toujours, et on était très très limités en masques. Ces fameux masques qui déchaînaient les passions.
Nos cadres de santé en donnaient un à chaque soignant en début de service et il fallait faire avec toute la journée.
- tiens, on sait qu’à partir de 4 heures, ils ne sont plus très protecteurs…
Mais on n’a rien d’autre.
Bonne chance.
On stressait, on entendait tout et n’importe quoi sur les masques, les tests, les consignes de sécurité qui changeaient chaque jour…
À la télé, on ne parlait que de ça, et nous, on devait continuer à trouver des masques, des respirateurs, réorganiser des services entiers, en plus de notre travail habituel…
- il parait que les américains nous ont piqué des masques sur le tarmac de l’aéroport !
- ah les bâtards ! J’ai l’impression d’être en guerre. Chacun pour sa gueule !