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Critique de mylena


Enfin je viens de lire ce fameux roman de Céline, après des années de procrastination, tant par peu d'envie de lire cet auteur devenu ensuite antisémite et collaborationniste que par crainte d'une lecture difficile et laborieuse. Certes son style est spécial, mais sans grandes difficultés de lecture pour autant. le rythme des phrases est oral, y compris dans des moments lyriques. C'est la langue de Bardamu, celle du peuple. Et même quand les personnages qui parlent sont d'un autre niveau social, c'est toujours dans une syntaxe très orale (ce qui n'empêche pas un vocabulaire précis et un emploi des temps et de leur concordance très correct). La langue est truculente, vulgaire, provocatrice. Pour Bardamu, et apparemment pour l'auteur aussi, le français soutenu, le français académique, c'est une langue morte. En tout cas, c'est un régal à lire à haute voix.
Pour le fond, c'est une histoire assez simple, quinze ans de la vie de Bardamu ainsi que de celle de Robinson qu'il retrouve par hasard de plus en plus souvent. Cela commence et finit à Clichy, avec entre les deux les horreurs de la guerre, les colonies en Afrique, un séjour américain, un cabinet médical dans une banlieue paumée, des petits boulots,…
Dans ce roman Bardamu se montre pacifiste, anti-guerre, anti-patriotisme, dès les premières pages. La guerre est fondatrice des personnalités de Bardamu, comme de Robinson d'ailleurs. Son séjour en Afrique le rend anticolonialiste. A New-York puis surtout à Détroit où il travaille dans les usines Ford, son regard devient aussi anticapitaliste devant un système qui broie les individus et détruit leur humanité, comme la guerre. Ces expériences sont racontées un peu comme un récit picaresque. En fait toutes celles-ci, y compris à son retour en France, lui montrent l'absurdité des systèmes hiérarchiques, et le danger de l'obéissance aveugle.
Sa philosophie de vie est proche de l'anarchisme, voire du nihilisme, avec des moments pleins de désespérance. Il n'y a pas vraiment d'intrigue, mais Bardamu, l'air de rien, nous raconte bien une histoire, qui finit très mal. le voyage de Bardamu est un voyage jusqu'au bout des bas-fonds, un chemin vers toujours encore plus de sordide et de pathétique, jusqu'au bout de la nuit. Incroyable que Céline soit passé en quelques années d'un tel discours désespéré qui met à nu les mécanismes qui conduisent à la haine à un discours haineux. Pour moi, c'est une énigme. Et ce roman un très, très grand livre.
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