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Embarras au magasin : comment demander où se trouve le "nouveau" livre de Céline ? Ou plutôt son "dernier" ? Son "deuxième" ? "L'inédit", voilà ! C'est avec un bonheur inouï que j'ai ouvert ce roman, écrit en 1934, jamais publié et disparu pendant près de 80 ans. Et même s'il s'agit d'un premier jet non finalisé, je me suis sentie heureuse d'être en vie pour pouvoir le lire. Ca débute comme ça. Par un boucan assourdissant qui n'en finit pas de résonner dans les oreilles, la tête et le corps de Ferdinand, troufion de 20 ans fiché dans la boue et le sang d'une plaine flamande. S'ensuit alors le récit de son hospitalisation et de sa convalescence à Peurdu-sur-la-Lys, entre un médecin zinzin, une infirmière lubrique, et des blessés roublards. Une fois encore, Céline s'inspire de sa propre expérience (sa blessure, en Octobre 1914, et son séjour à l'hôpital d'Hazebrouck), en distordant et exagérant les faits avec sa morgue habituelle et son humour ravageur, et en ne reculant devant aucune vacherie : "Jamais j'ai vu ou entendu quelque chose d'aussi dégueulasse que mon père et ma mère." Ce faisant, il dénonce une nouvelle fois l'immense stupidité de la guerre, et de tous ceux qui la provoquent, l'entretiennent, l'encouragent, ou la relativisent. J'ai adoré cette plongée au coeur de la folie des hommes, sans cesse rythmée par le bruit des canons et des troupes, ce manège dément tournoyant autour de Ferdinand qui, seul contre tous, isolé par sa semi-surdité et ses acouphènes, vomit sur la médiocrité et la mesquinerie de ce qui l'entoure -tout en n'hésitant pas à se montrer chafouin à son tour. Et donc, je ne peux qu'admirer ce côté punk désinvolte ("Je devais plus rien à l'humanité"), bien entretenu cependant par une langue française savamment torturée et ponctuée de gros mots de sale gosse. de la puissance à l'état pur, mais traversée de brefs et bouleversants accès de tendresse à l'encontre de cette même humanité. C'est tout le paradoxe de Céline, et c'est ce qui fait que je l'aime tant. Vivement la sortie des autres inédits ! + Lire la suite |